Face aux difficultés croissantes d'accès aux soins en oncologie dans les territoires ultramarins, la fédération Unicancer a lancé un appel auprès de ses 18 centres de lutte contre le cancer. L'objectif est de constituer une liste de spécialistes volontaires pour assurer des remplacements dans les hôpitaux d'Outre-mer.
Une situation alarmante
Les établissements de santé ultramarins souffrent d’un manque criant de spécialistes, entraînant des conséquences préoccupantes : fermeture temporaire d’un service de chimiothérapie en Guadeloupe, absence totale d’oncologues pendant deux mois en Polynésie, pénurie de radiologues à La Réunion retardant le dépistage des cancers. L’ex-député martiniquais Johnny Hajjar dénonçait déjà en mars 2024 un "véritable scandale d’État".
Le Dr Marc Pracht, oncologue généraliste au centre Eugène-Marquis de Rennes, dresse un constat accablant : "Il y a des retards à tous les niveaux : accès aux examens de radiologie, aux biopsies, délais de rendu des résultats, mise en place des traitements, faute d’un nombre suffisant d’oncologues."
Des conséquences dramatiques
Ce déficit de personnel ne touche pas uniquement les médecins, mais aussi les infirmiers spécialisés et en pratique avancée. "Quand on compare avec les établissements de l’Hexagone, il y a un écart significatif", souligne le Dr Pracht.
Le manque de remplaçants fragilise encore davantage l’offre de soins. "Quand un ou deux oncologues sont en poste, une absence pour congé ou maladie peut désorganiser l’ensemble du service", explique-t-il. Ces interruptions conduisent à des retards, voire à des renoncements aux soins, compromettant ainsi les chances de guérison des patients. "C’est dramatique !" insiste Katia Willinger, secrétaire adjointe du groupe UCOM.
Une solution pensée en amont
Afin de pallier ces absences et garantir une continuité des soins, Unicancer Outre-mer (UCOM) a mis en place une initiative visant à créer une "force d’appui en personnel". Cette équipe pourra assurer des remplacements allant de 15 jours à un an.
"L’idée n’est pas de déstabiliser les établissements hexagonaux, mais d’anticiper les besoins et les congés afin d’assurer une offre de soins continue et de qualité", précise le Dr Pracht.
Un premier noyau de volontaires
Lancé en mai 2024, cet appel a déjà reçu 26 réponses positives de la part d’oncologues, infirmiers, pharmaciens et radiothérapeutes, avec l’accord de leur direction. Toutefois, il est encore difficile d’évaluer si cela suffira à combler les besoins.
Ce groupe pilote interviendra sur le terrain pour tester et ajuster le dispositif. Une fois les conditions contractuelles et logistiques stabilisées, l’initiative s’ouvrira à l’ensemble du personnel des CHU et des CH. "Nous sommes ouverts à tous les professionnels, qu’ils soient issus de la Fédération hospitalière de France ou du secteur privé", assure le Dr Pracht.
Une préparation spécifique aux réalités ultramarines
Les volontaires bénéficieront d’une formation préalable, car la prise en charge du cancer en Outre-mer présente des spécificités distinctes de celles de l’Hexagone. "L’aspect anthropologique, épidémiologique, sociologique et ethnographique est fondamental", note le Dr Pracht.
Les perceptions culturelles du cancer, les réalités économiques et sociales – telles que la vie chère, les pénuries d’eau aux Antilles et à Mayotte ou la crise institutionnelle en Nouvelle-Calédonie – seront également abordées afin de maximiser l’efficacité de cette force d’appui.
Une initiative porteuse d’espoir
Malgré les défis à venir, cette mission est perçue comme une opportunité enrichissante. "C’est une expérience humaine très forte", confie le Dr Pracht. "Cela apporte un souffle nouveau aux soignants et leur offre un regard différent sur leur pratique."
Si le manque de médecins reste un problème majeur pour les années à venir, l’espoir demeure que cette initiative voie le jour d’ici fin 2025, apportant ainsi un soutien essentiel aux patients des territoires ultramarins.
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