Le président du Liberia présente les excuses officielles de l'État pour les guerres civiles

 

Le président libérien Joseph Boakai a présenté, samedi 5 juillet, les excuses officielles de l’État pour les violences et les souffrances infligées lors des deux guerres civiles qui ont ravagé le pays entre 1989 et 2003, faisant environ 250 000 morts. Cette déclaration solennelle a eu lieu à Monrovia, lors d’une cérémonie de réconciliation nationale, quelques jours après un hommage posthume rendu aux anciens présidents Samuel Doe et William Tolbert — le premier ayant été torturé et tué au début de la guerre civile, le second assassiné lors du coup d’État sanglant de 1980.

« Je présente les excuses formelles de l’État à chaque famille », a déclaré Joseph Boakai. « À chaque victime de nos guerres civiles, à chaque famille brisée, à chaque rêve fracassé, nous disons : nous sommes désolés. » Le président a reconnu les manquements de l’État, ajoutant : « Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’il ne vous fasse plus jamais défaut. »

Les deux conflits civils ont profondément marqué le Liberia : massacres, mutilations, viols systématiques, enrôlement massif d’enfants soldats… Le pays reste aujourd’hui encore confronté aux séquelles de ces années de chaos. Malgré l’ampleur des crimes commis, aucun tribunal libérien n’a jusqu’ici jugé les responsables. La Commission vérité et réconciliation, mise en place après la fin des combats, avait pourtant recommandé en 2009 la création d’une juridiction spécialisée. Cette proposition était restée lettre morte, en raison notamment de la présence, au sein des institutions, d’acteurs politiques directement impliqués dans les conflits — parfois même considérés comme des héros locaux.

Cette impunité persistante a nourri un climat délétère. « Tant que les crimes de la guerre civile ne seront pas jugés, la culture de l’impunité continuera de prospérer », alertait récemment sur RFI le militant des droits humains Adama Dempster.

Un tournant pourrait cependant s’amorcer. En avril 2024, le Sénat libérien a voté à l’unanimité en faveur de la création d’un tribunal chargé de juger les crimes de guerre. Un vote historique, auquel a même participé l’ancien chef de guerre Prince Johnson — mis en cause dans plusieurs rapports avant son décès en novembre 2024. La Chambre des députés avait déjà approuvé cette initiative, répondant ainsi à une demande de longue date de la société civile et de la communauté internationale.

Jusqu’à présent, seules les juridictions étrangères ont poursuivi d’anciens chefs de guerre libériens, souvent grâce aux efforts de l’ONG Civitas Maxima, qui a engagé des procédures en Suisse, en France ou encore en Finlande.

Proche de Prince Johnson par le passé, le président Boakai a néanmoins affirmé sa volonté de rompre avec les compromissions du passé. Il s’est engagé à « mettre en œuvre les principales recommandations de la Commission vérité et réconciliation », rappelant avec gravité : « Il n’y a pas une seule famille libérienne qui n’ait été touchée par la douleur, la violence et l’injustice qui ont hanté notre nation. »


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