Les Comores fêtent 50 ans d’indépendance entre fierté nationale et tensions politiques

Ce dimanche 6 juillet, l’Union des Comores a célébré le cinquantenaire de son indépendance. Un anniversaire chargé de symboles, marqué à la fois par la fierté nationale et les tensions persistantes qui traversent la vie politique et sociale du pays.

Fait exceptionnel cette année : les festivités ont été délocalisées du centre de la capitale Moroni vers le stade omnisports de Malouzini, au sud de la ville. Une décision perçue comme stratégique, dans un contexte où les autorités cherchent à affirmer leur contrôle sur un climat politique fragile.

Une indépendance conquise en 1975

Ancienne colonie française, l’archipel des Comores a obtenu son indépendance le 6 juillet 1975, à l’issue d’un long processus de décolonisation entamé dans les années 1960. Porté par le vent d’émancipation qui soufflait alors sur le continent africain, le mouvement indépendantiste comorien s’était renforcé avec le soutien de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), défendant le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Toutefois, l’archipel n’est pas resté uni : l’île de Mayotte, après avoir rejeté l’indépendance, est restée sous administration française et a été érigée en département français en 2011, une question toujours sensible dans les relations franco-comoriennes.

Célébration solennelle et invités internationaux

Pour ce 50e anniversaire, plusieurs chefs d’État africains étaient présents : la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan, le président mauricien Prithvirajsing Roopun et le chef d’État éthiopien Sélassié. Le président Azali Assoumani, au pouvoir depuis 2016 et réélu en 2024, a prononcé un discours en hommage aux figures de la lutte indépendantiste.

La Tanzanie a été largement mise à l’honneur. La présidente Suluhu a salué la mémoire des précurseurs comoriens et souligné les liens linguistiques et culturels entre les deux pays. L’ancien président de l’Assemblée nationale comorienne, Mohamed Said Abdallah Mchangama, a rappelé que les documents officiels étaient rédigés en swahili en lettres arabes avant la colonisation, et plaidé pour une reconnexion linguistique et culturelle avec l’Afrique de l’Est.

Sur le plan protocolaire, un défilé militaire a réuni des délégations de la Chine, du Maroc et de la Tanzanie. En revanche, Ikililou Dhoinine, président de 2010 à 2016, n’a pas assisté à la cérémonie.

Des défis éducatifs et sociaux persistants

Si l’indépendance est un motif de fierté, les défis structurels restent considérables. Le système éducatif est en crise : près de la moitié des enfants de 3 à 5 ans ne sont pas scolarisés, tandis que plus de 14 % des 6-11 ans et 27 % des garçons de 12 à 15 ans restent en dehors de l’école. Ce déficit éducatif alimente la pauvreté et pousse de nombreux jeunes vers des activités informelles précaires.

Une gouvernance critiquée

Sur le plan politique, le président Azali Assoumani est accusé de dérive autoritaire. S’il est salué par ses partisans pour ses investissements dans les infrastructures et la santé, ses détracteurs dénoncent un verrouillage des institutions et une opposition marginalisée. Plusieurs figures politiques ont été écartées du jeu démocratique, dont l’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, actuellement emprisonné à vie.

Les tensions se sont accrues depuis sa réélection en 2024, dans un scrutin jugé opaque par des observateurs internationaux. L’opposition, de plus en plus affaiblie, accuse le pouvoir d’étouffer toute contestation et de freiner l’évolution démocratique du pays.

Une démocratie encore à construire

Malgré une présence croissante sur la scène internationale — Azali Assoumani a notamment présidé l’Union africaine entre janvier 2023 et février 2024 — les institutions démocratiques comoriennes restent fragiles. Pour nombre d’observateurs, le 50e anniversaire de l’indépendance est l’occasion de dresser un bilan contrasté : si l’émancipation politique est une réalité acquise, la démocratie, elle, reste à bâtir.

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