Trump et les chefs d’État africains : posture imposée, dignité bafouée

 De gauche à droite : Bassirou Diomaye Faye, Mohamed Ould Ghazouani, Brice Clotaire Oligui Nguema, Joseph Boakai et Umaro Sissoco Embalo entourent Donald Trump dans le Bureau ovale à la Maison-Blanche, le 9 juillet 2025.

Le 9 juillet dernier, la Maison-Blanche accueillait cinq chefs d’État africains pour un dîner diplomatique. Mais c’est une image, plus qu’un discours, qui a marqué les esprits. Celle de Donald Trump, installé seul, trônant derrière le Resolute Desk, tandis que ses homologues africains – debout, figés, relégués à l’arrière-plan – semblent réduits au rôle de figurants dans un théâtre où ils sont invités, mais jamais maîtres de la scène.

Une mise en scène révélatrice

Ce cliché n’est pas une simple maladresse protocolaire. Il condense, en une image, une relation de pouvoir profondément déséquilibrée. Le président américain, fidèle à son style provocateur, incarne ici une posture de domination assumée. Face à lui, cinq dirigeants africains : Bassirou Diomaye Faye (Sénégal), Mohamed Ould Ghazouani (Mauritanie), Brice Clotaire Oligui Nguema (Gabon), Joseph Boakai (Liberia) et Umaro Sissoco Embaló (Guinée-Bissau), figés dans un silence symbolique.

Et si cette scène avait eu lieu en Afrique, avec des rôles inversés ? Aurait-on toléré une telle image d’un président européen relégué à l’arrière-plan ? La réponse semble évidente. Quelques mois plus tôt, l’accueil réservé à Volodymyr Zelensky dans une configuration similaire avait suscité l’indignation. Ici, face à Trump, la résignation paraît être devenue la norme.

Le pouvoir du refus

Et pourtant, un simple geste aurait suffi à rompre cette logique : demander que tout le monde s’assoie. Refuser cette disposition hiérarchique aurait été un acte fort. Non pas un incident diplomatique, mais une affirmation de souveraineté et de dignité. Cela aurait envoyé un signal clair : l’Afrique n’est pas un continent en attente de reconnaissance, elle mérite d’être traitée à égalité.

Le contexte s’y prêtait. Trump n’en est pas à sa première sortie méprisante à l’égard du continent africain. Une réaction collective et symbolique aurait pu relancer le débat mondial sur la manière dont les puissances occidentales regardent – et parfois humilient – leurs partenaires africains.

Un manque de courage politique

Refuser de s’aligner, c’était aussi refuser une narration. En acceptant cette mise en scène, ces chefs d’État ont renforcé, malgré eux, le récit d’une Afrique soumise, sans voix, sans volonté de rupture. Dans un monde saturé d’images, chaque photo est un message. Celle-ci parle de déséquilibre, de passivité, et d’un continent qui semble encore peiner à se saisir pleinement des codes de la représentation diplomatique.

Changer le cadre, choisir sa place

Ce moment manqué peut devenir une leçon. Rien n’oblige les dirigeants africains à occuper le second plan. À condition de faire le choix, conscient et collectif, de ne plus valider ce qui les rabaisse. Les gestes symboliques comptent. Se lever pour exister, c’est aussi savoir quand – et pourquoi – s’asseoir.

Il ne s’agit pas de revendications creuses, mais de posture. Une posture assumée, réfléchie, qui replace l’Afrique là où elle mérite d’être : au centre de sa propre histoire, debout pour elle-même, et non pas figée dans l’ombre d’un autre.

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