Entouré d’universitaires, d’une sociologue ou encore d’une chercheuse en neurosciences, le maire Clément Rossignol Puech a présenté en réunion publique les contours d’une demande d’expérimentation de législation encadrée du cannabis
« L’objectif, ce n’est pas de faire de la ville de Bègles l’Amsterdam français. » Modeste rappel de Clément Rossignol Puech, ce mercredi 10 avril, à l’heure d’introduire une table ronde dont l’intitulé ne passe pas inaperçu : « Cannabis, comment expérimenter la légalisation encadrée ? » Le maire de Bègles est à l’initiative d’un travail collégial ayant abouti à la rédaction d’un « livre de demande d’expérimentation de législation encadrée ». Pur hasard de calendrier, la réunion intervient en plein regain de débat sur le cannabis, entre les opérations policières « place nette XXL » et la légalisation allemande.
À cette « phase de demande » succédera une « phase de conviction », dit Clément Rossignol Puech, qui vise le président Emmanuel Macron. « C’est un enjeu de réduction des risques, d’encadrement de la consommation, de réduction des trafics, peut-être un enjeu de mise en place d’une filière agricole, enfin un enjeu de débat démocratique », énumère-t-il.
Cent volontaires
« À Bègles, vous avez une super opportunité de lancer les hostilités », salue en visioconférence le protagoniste suisse d’une expérience pilote équivalente en cours à Lausanne, étrennée l’an dernier après « dix ans », souligne-t-il, de réflexions et d’arbitrages politiques. Un enseignement glané au passage : 80 % des 811 participants sont des hommes, pour 37 ans de moyenne d’âge, contre 24 ans de moyenne d’âge dans les statistiques lambdas de fumeurs de cannabis.
« C’est un enjeu de réduction des risques, d’encadrement de la consommation, de réduction des trafics »
« C’est un peu la même approche », présente Clément Rossignol Puech : « Cent volontaires béglaises et béglais, majeurs, une expérimentation sur cinq ans. Ils pourront acheter régulièrement du cannabis, dans un lieu dédié, discret. » La consommation sur place ou à domicile est requise, « pas dans l’espace public ». Le cannabis serait fumé au moyen d’une vapoteuse, sans tabac. « Dernier point, on ne pourra pas conduire, par contre on délivrera des tests salivaires très simples », précise Clément Rossignol Puech. En parallèle, une politique de prévention soutenue sera engagée dans les établissements scolaires.
« Un pas énorme »
La sociologue Sarah Perrin s’attarde sur la constitution du panel, qui fera l’objet d’un suivi statistique (qualité de vie, santé) et qualitatif (entretiens tous les trois mois). Le psychiatre Jean-Michel Delile a une attention pour ces consommateurs « cachés, insérés », d’un certain âge, qui « sortent du bois » à Lausanne « parce qu’ils n’ont plus envie de fréquenter les dealers », eux qui restaient malgré eux à l’écart des dispositifs de soins.
Où l’on comprend que tout a été pensé et soupesé, la caution scientifique en prime. Les réactions de la salle sont à l’avenant, entre « la posture anti-sciences de certains responsables politiques » et d’autres préoccupations pratiques. À la sortie de la réunion, un jeune homme de 23 ans, « consommateur occasionnel », se dit conquis : « Je suis venu curieux, en quête de questions sur le déroulement, les limites du projet. C’est un pas énorme vers l’avant, les arguments tiennent la route. »
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