Interview des dirigeants de Dreadlocks TV

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Une année s'est écoulée depuis les tous premiers Reggae Dancehall Awards organisés par Dreadlocks TV à la tête de laquelle on trouve Joss Demoniere et Mosiah Levy. S'ils se veulent discrets sur les activités de Yardies, leur société de production, ces deux là sont des stakhanovistes avec une vision bien à eux.  

  • Bonjour Dreadlocks TV.
  • Bonjour
  • Un an pile après la première édition des Reggae Dancehall Awards, quel bilan tirez vous de cet évènement ?
  • Le bilan est très positif. Nous remercions à nouveau tous ceux qui ont contribué de près ou de loin au succès de cet évènement qui est sans conteste un des plus marquants de la galaxie reggae, c’était une première qui restera dans les annales. Nous l’avons fait alors que Dreadlocks TV n’avait que 6 mois d’existence, c’était un sacré challenge, une cérémonie plus une diffusion en direct ! Il y a eu une audience et une couverture médiatique incroyable. Et la réussite de cette première, on la doit aux opérationnels : Mejdi, Beag, Spaïke, Julie, Galadje, Elodie, Karine, Laurie, Kinston, Semilia, Pearl, Jeremy Fischer, Tonatcil et son équipe technique à la vidéo. Mention spéciale pour Lord Issa aux platines, Prissy Gomes et Nasty au micro, qui ont tenu la soirée sans conduite et sans prompteur...  De l'intérieur, ça s'est passé dans la douleur, mais c'était une première !
  • Moi, je tiens également à small up ces personnes qui n'ont pas cru en nous et nous ont planté le jour J. Et nous tenons à les mentionner nommément parce que nous combattons également l'idée selon laquelle la fiabilité ne serait pas le fort des gens qui aiment le reggae, or là il s'agit de personnes qui ne font pas partie de notre culture. Tout d'abord, Arnaud Léry, de l'agence Aston, qui s'était engagé à venir avec 18 hôtesses devant accueillir et placer le public. Il nous a lâché à 15h30 prétextant un problème de voiture... Ensuite il y a eu le couturier Christian Manzala qui devait habiller Miss Africa, qui s'est caché derrière son répondeur au motif d'une grippe. On apprend son absence à 16h le jour J... l'ouverture des portes était prévue à 18h. Enfin l'autre couturier là, Xuly Bët, qui devait habiller Queen Omega; un sms pour s'excuser. Voilà c'est dit ! C'était pas vital pour la tenue de la cérémonie, mais c'est le genre de stress dont on se serait bien passé pour une première.
  • Et surtout quand tu dis quelque chose, que tu t'engages, tiens tes engagements, ou alors parle pas ou tu préviens les gens que les mots que tu prononces c'est du vent.  
  • Mais on l'a fait, et c'est ça l'essentiel. 

  • Quand aura lieu la prochaine édition ? 
  • Pour ce qui est d’une nouvelle édition, nous sommes toujours en pourparlers avec de potentiels partenaires pour proposer une cérémonie à la hauteur des ambitions qui sont les nôtres. Car si c’est pour à nouveau porter seuls un tel défi, on ira pas. Nous avons par exemple sollicité le Ministère de la Culture mais compte-tenu des restrictions budgétaires… (le ministère de la Culture s’est vu annuler plus de 204 millions d'euros de crédits pour l'année 2024 sur l'ensemble de ses missions). Et c’est partout comme ça. De plus, le reggae ne bénéficie pas d’une image aussi glamour que la pop ou aussi bankable que le rap, donc la tâche est d’autant plus ardue lorsqu’il s’agit de convaincre des investisseurs, mais ce n’est pas grave, ça ne nous empêche pas de continuer à nous développer à notre rythme. Mais quand on sera prêts et décidés, on ne manquera pas de le faire savoir, faîtes nous confiance là-dessus.
  • En tout cas, il est clair que désormais avec cette cérémonie, Dreadlocks TV est rapidement devenu un acteur majeur dans un microcosme où on entendait qu'il ne se passait plus rien
  • C’est pas vrai, il se passe toujours quelque chose ! Ça n'a pas toujours le retentissement que ça devrait avoir mais les gens ne sont pas attentistes, ils créent des projets, des connexions, ils cherchent des moyens, des lieux... Il y a une vitalité souterraine, underground et ça se vérifie à chaque nouveauté qui sort, aux affiches et aux salles combles. Ensuite de là à dire que nous sommes devenus incontournables, on a chacun assez d'expérience pour savoir que tu peux être haut un jour et ensuite... le public, l'audience, c'est volatile aujourd'hui.
  • D'accord mais quand on voit que vous avez fait presque un million de vues avec la retransmission d'un extrait du concert de Kalash à Evry lors de la fête de la musique, que David Hinds de Steel Pulse vous plebiscite, on est en droit de penser qu'il y a matière à vous considérer non 
  • D’une part c'est Kalash, donc ça facilite d'autant plus le pic d'audience, et d'autre part, c'est typiquement la preuve qu'il nous faut encore nous développer pour appréhender la couverture d'évènements internationaux. 
  • Alors justement, côté développement, où en est Dreadlocks TV ? 
  • Nous sommes passés d’une simple chaîne qui diffuse des clips à une plateforme d’informations, c’est une évolution majeure opérée cette année. et nous en sommes très fiers. Nous publions chaque jour des informations venues des îles, d’Afrique, là où sont nos préoccupations, nos familles et amis d’enfance pour beaucoup d’entre nous. On en est à plus de 600 articles et cette plateforme d’information a naturellement trouvé son public. Ça ne nous empêche pas de continuer à diffuser des clips 24h/24, à nous impliquer dans la promotion lorsqu’on nous sollicite. Ensuite, il y a tout ce que le grand public ne sait pas, du moins pas encore. Nous sommes sur d’autres projets qui doivent voir le jour. Il y a une mini-série en préparation, le soutien à une action humanitaire en stand by du fait de contextes politiques compliqués dans certains pays. 
  • Ah oui? Vous pouvez nous en dire plus sur cette action humanitaire ? 
  • Bah en fait humanitaire c’est un bien grand mot, il s’agit de la livraison de vélos et de pièces de vélos pour favoriser la mobilité, faciliter les déplacements en Ouganda. C’est un couple d’amis - Judith et Horace De Oliveira - qui a entrepris ce voyage, nous on a juste mis notre logo sur leur véhicule. Ils sont partis de Strasbourg, mais pour le moment ils sont bloqués au Portugal. Les 8000 kms restants de leur road trip sont suspendus à la situation politique des pays qu’ils doivent traverser. Quand tu vois où ça se trouve, et que tu sais qu’ils doivent traverser le Maroc, l’Algérie, le Niger, le Tchad, la Centrafrique, la RDC, un petit bout du Rwanda et le Soudan du sud, tu sais qu’il ne va pas y avoir qu’un problème de visas avant d’arriver à Kampala. Mais on reste en alerte, c’est tout de même une très belle initiative. Big up et merci à eux.  
  
  •  Vous parliez d’une mini-série, produite par Dreadlocks TV ? 
  • Oui, ça s’appelle G8, comme les 8 plus grandes puissances mondiales et c’est une mini série composée d’épisodes courts. La phase d’écriture est terminée, les repérages aussi, nous entrons dans le dur avec les premiers tournages au printemps. Nous espérons sa sortie dans le courant de l’année. 
  • C’est le but de Dreadlocks TV cette ouverture sur le monde ? 
  • À vrai dire c’est ce que nous sommes. L’ouverture sur le monde, l’unité, c’est ce que nous représentons, c’est ce qui est chanté dans le reggae. Le fait d’informer en plus sur ce qui se passe dans ces parties du monde qui nous tiennent à coeur, c’est à la fois un moyen de faire vivre une culture autrement que par le prisme des noirs d’Amérique et de faire découvrir nos terres d’origine autrement sans chercher à faire de l’afrocentrisme.
  • On est tout de même sur une sorte de média afrocentriste, non ?
  • Pffff c’est une question hyper réductrice ça… on peut s’élever et s’éviter ce sempiternel clivage noirs/blancs ? Est-ce que tu dirais à un média qui promotionne la voile et les mathématiques quantiques qu’il est tout de même une sorte de média très Européiste ? Ce sont des débats stériles ça. Ça ne mène à rien sinon à des polémiques inutiles qui ne grandissent personne. 
  • Nan mais vas-y, cites-moi un média qui te donne des nouvelles quotidiennes des îles du monde entier, des pays d’Afrique, et qui promeut 24h/24 une musique universelle aux messages positifs ! On a pas le droit d’être informés ? On doit écouter que ce qui se passe aux USA, en Europe, en Ukraine et en Israël ? Le reste ça existe peut-être pas pour toi, mais pour nous c’est aussi ça le monde. Et ce n’est pas être afrocentriste que de le reconnaitre, c’est juste donner de la considération à cette partie du monde. 
  • Ok ok nul besoin de s’emporter, c’était une simple question. Pour en revenir à Dreadlocks TV, on a vu dernièrement apparaître un Reggae Quizz sur vos réseaux, vous pouvez nous en dire plus ? 

  • C’est juste un jeu de connaissance sur toute la culture reggae. Yardies distribue déjà le jeu HipHop Quizz, là c’est le Reggae qui est le sujet principal. 
  • Donc comme le Hiphop Quizz, des questions sur tout ce qui a touché au Reggae des débuts à nos jours ? 
  • Exactement, à ceci près que nous publions les questions sur Instagram et Facebook
  • Et il y a combien de questions dans ce Reggae Quizz ?  
  • Comme Hiphop Quizz, plus de mille. Des questions faciles, difficiles, sur le reggae, le dub, les sounds systems, les artistes, les clashs, les concerts, les livres, les films…
  • Vous avez une idée derrière la tête avec ce jeu ? Je ne peux pas m’empêcher d’imaginer un jeu télévisé où vous invitez des artistes à répondre…
  • Ça on verra avec le temps, mais oui on y a pensé. Après entre penser à un concept et le mettre en oeuvre, il y a un gap et beaucoup de travail en amont. 
  • En février dernier, vous aviez lancé le Dreadlocks Mag, qui a ensuite disparu…Pourquoi ?
  • Là c’est ce qui s’appelle de la précipitation et un retour à la raison. On reviendra sur ce mag, mais on ne peut pas être partout à la fois. En tout cas pas correctement. Mais c’est bien tu as suivi (rires)
  • Avec toutes ces activités, vous continuez à suivre les sorties d’albums, de singles, d’EP, de clips des artistes ?   
  • Ha oui ! En France comme à l’international. Reggae music pullule de projets de l’Indonésie au Pérou, c’est un vivier de création incroyable. Mais là tu ne parles que des productions phonographiques et audiovisuelles, on s’intéresse aussi aux sound systems, aux concerts, aux festivals, etc. Parce que, pour faire le lien avec les Reggae Dancehall Awards dont tu nous parlais tout à l’heure, la prochaine fois, on aimerait bien qu’il y ait du live. Ça implique d’autres contraintes techniques parce que n’oublions pas qu’il est aussi question d’une retransmission en direct, mais on y pense. 
  • Puisque vous revenez sur les Reggae Dancehall Awards, vous avez déjà une idée des catégories et des nominés potentiels, des membres du jury, voire des invités pour ce live que vous aimeriez ? 
  • Une idée oui, après il y a des noms qui sont incontournables, des personnes dont la contribution à la culture est indéniable. Tu prends un Alexandre Grondeau, son livre sur Tonton David, c’est quelque chose qu’on ne peut pas occulter, c’est majeur et nécessaire même si il n’y a pas de quoi en faire une catégorie. Ensuite musicalement, il y a eu de très belles choses, on ne va citer personne pour ne pas faire de jaloux ou d’oubli mais on a tout scanné, ce serait une faute professionnelle de ne pas l’avoir fait. Pour ce qui est des membres de jury et des artistes c’est toujours conditionné au calendrier des personnes que tu souhaites inviter. Donc là encore, ce sont des paramètres à prendre en ligne de compte pour l’organisation, tout comme la date - la dernière fois c’était un mercredi soir de janvier en pleine Fashion Week - ou le lieu… Sinon pour les invités, on a une idée fixe : Sizzla. On sait qu’il a regardé la première édition en direct depuis la Jamaïque, on aimerait bien que ce soit lui le prochain parrain. Mais ça reste une idée pour le moment.  
  • On entend Mosiah tous les vendredis soir sur RMP dans le Ragga Dub Force Show, Joss tu y faisais des chroniques hebdo et puis plus rien ! Que s'est-il passé ? 
  • Une question de temps, tout simplement. Mais on parvient à s'organiser, notamment pour recevoir des artistes ailleurs qu'à la radio, dans Paris, on a ainsi interviewé Mo'Kalamity, Nai-Jah, Paolo Baldini, Rascup.... Mais la radio reste un lieu particulier pour réaliser une très belle interview, j'ai notamment en tête celle de Twan Tee et Oddy pour la sortie de leur album "Outrospection", une merveille à mon goût.
  • Je vous écoute depuis le début de l'interview et j'ai par moments l'impression que vous ne vous rendez pas compte à quel point c'est énorme ce que vous êtes en train de faire ? Des interviews, un jeu, une cérémonie, une mini-série, une action humanitaire, une plateforme d'information, une chaîne TV qui émet 24h/24... 
  • Enorme ou pas. On fait c'est tout, faut bien s'amuser un peu. 
  • T'aurais préféré un logo avec rien derrière ? (rires)
  • Non non bien sûr, mais c'est énorme. Et bien merci d’avoir accepté de répondre, on reste connectés. Big up et à bientôt Dreadlocks TV.
  • Merci à toi
  • Yes I merci. 

 Interview réalisée par Daryll Onillon

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