L'ancien président des Philippines, Rodrigo Duterte, a été transféré aux Pays-Bas en vue de son incarcération au centre de détention de la Cour pénale internationale (CPI). Cette dernière, siégeant à La Haye, avait émis un mandat d'arrêt à son encontre pour des crimes présumés liés à sa politique de lutte contre la drogue.
Rodrigo Duterte est arrivé par avion aux Pays-Bas et a immédiatement été remis à la CPI, a confirmé l'institution mercredi 12 mars. "Aujourd'hui, le 12 mars 2025, M. Rodrigo Roa Duterte, né le 28 mars 1945, a été remis à la Cour pénale internationale", a annoncé la juridiction dans un communiqué officiel.
La CPI affirme disposer de "motifs raisonnables" de penser que l'ex-président philippin a commis des crimes contre l'humanité, notamment des meurtres, en tant que "co-auteur indirect". Sa campagne contre le trafic de stupéfiants aurait entraîné la mort de dizaines de milliers de personnes, selon diverses organisations de défense des droits de l'Homme.
Âgé de 79 ans, Duterte devient ainsi le premier ancien chef d'État asiatique à être inculpé devant la CPI, qui juge les crimes les plus graves, tels que les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide.
Avant son atterrissage aux Pays-Bas, Duterte a déclaré dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux : "J'ai dirigé les forces de l'ordre et l'armée. J'ai promis de les protéger et j'assume mes responsabilités."
"Nul n'est au-dessus des lois"
Devant la CPI, Gilbert Andres, avocat des victimes de la guerre contre la drogue, a salué cette arrestation comme "un signal fort pour la justice pénale internationale". "Cela signifie que nul n'est au-dessus des lois (...) Même les hommes les plus puissants, comme Rodrigo Duterte, devront rendre des comptes", a-t-il ajouté.
Toutefois, des dizaines de partisans de Duterte se sont rassemblés devant le centre de détention, brandissant des bannières proclamant leur soutien. "Il n'y a eu aucune procédure régulière", a dénoncé Duds Quibin, un soignant de 50 ans. "C'est un enlèvement, ils l'ont mis dans un avion de force", a-t-il protesté.
Les avocats de Duterte ont déposé une requête devant la Cour suprême philippine, au nom de sa fille cadette Veronica, accusant le gouvernement d'"enlèvement" et réclamant son rapatriement. "La CPI ne peut intervenir que si le système judiciaire d'un pays est défaillant", a fait valoir Me Salvador Paolo Panelo Jr., l'un des avocats de Duterte, affirmant que la justice philippine "fonctionne correctement".
Sara Duterte, actuelle vice-présidente et fille de l'ex-chef d'État, a dénoncé son transfert comme une "persécution politique". Alors qu'elle était pressentie pour succéder à son père, elle a finalement soutenu Ferdinand Marcos Jr., avant que leur alliance ne vole en éclats à l'approche des élections de mi-mandat. Elle fait désormais l'objet d'une procédure de destitution pour complot présumé contre le président.
"Duterte a de la chance"
Emily Soriano, dont le fils Angelito a été tué lors de la guerre contre la drogue, a réagi avec amertume : "Duterte a de la chance, il aura un procès. Mon fils n'a jamais eu cette chance, il est déjà en train de pourrir au cimetière."
Cette affaire tombe à point nommé pour la CPI, qui subit actuellement des sanctions de l'administration américaine de Donald Trump, mécontente du mandat d'arrêt lancé contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour des crimes présumés lors du conflit à Gaza.
Malgré le retrait des Philippines de la CPI en 2019 sous l'impulsion de Duterte, la Cour a conservé sa compétence pour les crimes commis avant cette date, ainsi que pour ceux perpétrés à Davao, ville où Duterte était maire.
Le mandat d'arrêt de la CPI mentionne au moins 19 assassinats à Davao, attribués à l'"Escadron de la mort de Davao", sous la direction de Duterte. Par ailleurs, au moins 24 personnes auraient été tuées par la police philippine dans divers endroits du pays.
Dimanche, Duterte a publiquement insulté les enquêteurs de la CPI, les qualifiant de "fils de putes", tout en affirmant qu'il accepterait son arrestation.
Malgré les poursuites, l'ex-président demeure très populaire aux Philippines, grâce à sa politique de répression du crime. Il reste une figure politique influente et envisage même de briguer un nouveau mandat de maire aux prochaines élections de mi-mandat en mai.
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