Le 30 mars, l’État a transmis un projet d’accord aux délégations indépendantistes et non-indépendantistes. Ce texte, encore confidentiel, a pour vocation de servir de base aux discussions à venir, qui reprennent dès ce soir en visioconférence.
Dévoilé à l’issue de la dernière visite du ministre des Outre-mers, le document a déjà fait l’objet de premiers ajustements. Il continuera d’évoluer lors de réunions plénières organisées une à deux fois par semaine, sous la houlette de Manuel Valls, jusqu’au retour du ministre fin avril. Ce dernier espère alors conclure le processus avec une dernière série de négociations menant à la signature de l’accord.
Un nouveau cap pour la Nouvelle-Calédonie
Ce projet ouvre la voie à une nouvelle étape dans l’émancipation du territoire. Il repose sur une montée en responsabilité progressive, un partage encadré de certaines compétences régaliennes, et la consolidation d’une citoyenneté calédonienne. Une fois finalisé, l’accord serait inscrit dans une loi fondamentale et intégré à la Constitution française.
Vers un référendum de projet
Le droit à l’autodétermination serait maintenu, mais sous une nouvelle forme : non plus un simple "oui" ou "non" à l’indépendance, mais un "référendum de projet". L’objectif est de sortir de la logique binaire des consultations passées, en engageant toutes les forces politiques locales dans une dynamique de responsabilité.
Ce projet devra d’abord être adopté par le Congrès à une majorité des 3/5e, nécessitant ainsi un large consensus au-delà des clivages traditionnels.
Le contenu du projet reste ouvert : il pourrait porter sur un nouveau mode de partage de souveraineté ou une indépendance complète, avec transfert des compétences régaliennes — ces dernières pouvant éventuellement rester déléguées à la France. Aucune date n’est fixée pour ce référendum, qui interviendrait après une période de stabilisation, de reconstruction économique et sociale, et de maturation démocratique.
Compétences régaliennes : maintien de la souveraineté française avec une implication accrue du territoire
Les domaines régaliens (défense, diplomatie, justice, sécurité, monnaie) resteraient entre les mains de l’État, mais avec des mécanismes renforcés de concertation, de codécision et de co-construction. Des formations et l’intégration de cadres calédoniens dans la fonction publique seraient aussi encouragées.
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Diplomatie : la compétence partagée serait renforcée. Le projet prévoit :
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une participation systématique aux négociations internationales dans la zone régionale,
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une meilleure coordination entre les diplomaties calédonienne et française,
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la création d’un représentant calédonien auprès de l’Union européenne,
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une instance annuelle de concertation diplomatique.
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Toutefois, pas de représentation à l’ONU comme le souhaitaient les indépendantistes.
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Défense : la souveraineté resterait à l’État, avec cependant :
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un comité stratégique mixte (autorités civiles et militaires),
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des voies d’accès spécifiques aux écoles militaires,
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une réserve de sécurité civile sous autorité locale,
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une implication des autorités locales dans le Service Militaire Adapté (SMA).
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Sécurité : l’État garde la main, mais une meilleure coordination avec les polices municipales est encouragée, ainsi que la formation de policiers auxiliaires calédoniens. Ni police coutumière, ni police provinciale ne sont prévues.
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Justice : pas de changement structurel, mais un renforcement de l’articulation entre justice étatique et coutumière (assesseurs coutumiers, médiations pénales, prévention en lien avec les conseils d’aires, le Sénat coutumier, etc.).
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Monnaie : le franc Pacifique pourrait changer de nom (avec accord de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna), mais conserverait son adossement à l’euro à taux fixe. L’Institut d’émission d’Outre-mer pourrait être transféré à Nouméa.
Une citoyenneté calédonienne constitutionnalisée
La citoyenneté calédonienne serait inscrite dans la Constitution française. Fondée sur un lien durable au territoire, elle donnerait accès à des droits spécifiques : emploi, formations, aides sociales, représentation dans les institutions.
Seraient considérés comme citoyens calédoniens :
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Les personnes nées sur le territoire,
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Les enfants de citoyens calédoniens,
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Les personnes en union avec un citoyen calédonien.
Elle pourrait également s’acquérir sur critères :
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Résidence continue de 10 à 15 ans,
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Ancrage local avéré,
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Engagement civique, économique ou associatif,
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Réussite à un examen culturel obligatoire portant sur l’histoire et les valeurs du pays.
Les citoyens calédoniens auraient seuls le droit de vote aux élections provinciales et aux référendums locaux.
Renforcement des provinces et ajustement du Congrès
Le projet renforce le rôle des provinces, définies comme les piliers du développement économique, social et culturel. Elles hériteraient de la compétence fiscale, aujourd’hui exercée par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Elles fixeraient donc elles-mêmes l’assiette et les taux d’imposition, et en redistribueraient une partie selon un principe de solidarité.
Cette orientation va dans le sens du "projet de fédération territoriale" défendu par les Loyalistes, mais vivement critiquée par le FLNKS, qui y voit un "risque de partition".
La composition du Congrès serait également révisée pour mieux refléter les dynamiques démographiques, tout en préservant les équilibres :
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37 à 40 sièges pour la province Sud (contre 32 aujourd’hui),
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10 à 14 pour la province Nord (15 actuellement),
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4 à 6 pour les îles Loyauté (au lieu de 7).
Cette répartition serait revue à chaque recensement, avec un impact potentiel sur les majorités nécessaires pour convoquer un référendum.
Le gouvernement resterait collégial, avec un président élu directement par le Congrès.
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