Le Bongo Flava, né dans les rues de Dar es Salaam, s’est imposé comme la bande-son de la jeunesse tanzanienne avant de devenir l'un des genres musicaux les plus influents d'Afrique. Mélangeant hip-hop, afrobeat et influences traditionnelles swahilies, il est aujourd’hui porté par des artistes de renom comme Diamond Platnumz et Ali Kiba, qui multiplient les collaborations internationales avec des stars telles que Chris Brown et Jason Derulo.
Cependant, sous ce succès apparent, se cachent de sérieuses failles structurelles. Le piratage massif, un manque d’éducation numérique, et l'absence de financement public freinent la croissance durable du genre. Abdul Sykes, artiste et producteur chez Dhahabu Records, soulève un problème récurrent : « Nous n’avons pas reçu cette éducation, et ceux qui la détiennent la gardent pour eux ». Avec son expérience, il incarne une génération de pionniers inquiets pour l’avenir du genre.
Le piratage, bien ancré dans l’histoire de la Tanzanie depuis la prolifération des cassettes audio en 1976, demeure un obstacle majeur. Bien que des mesures légales comme la loi sur le droit d'auteur de 1999 ou l’introduction de timbres fiscaux en 2013 aient été mises en place, ces initiatives n'ont pas suffi à freiner le phénomène. Le système de revenus issus des plateformes de streaming reste également flou pour beaucoup. Selon Dupuy Beats, représentant de l’Association des producteurs de Tanzanie, « le talent ne suffit pas, il faut aussi comprendre les contrats et les redevances ».
Le défi n'est pas uniquement économique, mais aussi culturel. L'absence de soutien institutionnel, d'infrastructures adaptées et de formation met des bâtons dans les roues d’un genre musical qui, pourtant, pourrait devenir un vecteur de rayonnement culturel majeur pour la Tanzanie.
Abdul Sykes résume la situation de façon frappante : « Mon agence m’a remis 100 dollars après plusieurs années de diffusion. Sans protection ni financement, nous continuerons à perdre de l'argent. » Les défis sont nombreux, et sans une véritable transformation structurelle, l'avenir du Bongo Flava reste incertain malgré son immense potentiel.
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