Après plus de trois mois de régime d’exception, Trinidad a levé son état d’urgence dans la nuit du 13 avril. Si la baisse des violences est saluée, le bilan soulève aussi des inquiétudes sur les atteintes aux droits fondamentaux.
C’est une page délicate qui se tourne à Trinidad-et-Tobago. L’état d’urgence décrété le 30 décembre 2024 pour enrayer une flambée de violence a pris fin dimanche à minuit. Une mesure exceptionnelle déclenchée après une fusillade sanglante entre gangs rivaux devant un commissariat, qui avait fait six morts. En toile de fond : une année noire marquée par 623 homicides, un triste record.
Un régime d’exception sans couvre-feu
Pas de confinement ni de couvre-feu cette fois, mais un renforcement musclé des prérogatives policières : arrestations sans procès pendant trois mois pour les suspects affiliés à des gangs, perquisitions sans mandat, fouilles ciblées. L’objectif : désarmer les réseaux criminels et désamorcer la spirale meurtrière.
Des chiffres en baisse, mais un climat pesant
112 meurtres recensés depuis le début de l’année, contre 160 sur la même période en 2024 : les autorités évoquent une baisse de 30 %, et saluent un retour progressif à l’ordre. Plus de 3 000 arrestations ont été opérées depuis l’instauration de l’état d’urgence.
Mais ce bilan cache des zones d’ombre. À peine une heure avant la levée officielle du dispositif, 39 détenus ont été relâchés faute de charges. De quoi nourrir les critiques sur l’opacité des procédures et la fragilité des garanties judiciaires.
Vers une “nouvelle normalité” ?
Malgré la fin de l’état d’urgence, le gouvernement ne compte pas relâcher son emprise. Le ministère de la Justice planche sur des mécanismes juridiques pour maintenir certains pouvoirs élargis accordés à la police.
« Ce ne sera pas un retour à la normale, mais une nouvelle normalité », a affirmé le commissaire de police par intérim, Junior Benjamin.
Une campagne sous tension
À deux semaines des législatives, la sécurité s’impose comme l’un des principaux enjeux de la campagne. L’opposition milite pour un assouplissement du port d’armes, tandis que la majorité envisage une réforme du mode de nomination du chef de la police. Le tout dans une ambiance alourdie par des soupçons d’alliances tacites entre certains élus et des groupes criminels pour garantir une paix sociale de façade.
Entre sentiment d’insécurité et dérives autoritaires, la société trinidadienne est à la croisée des chemins.
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