Un an jour pour jour après le déclenchement des émeutes en Nouvelle-Calédonie liées à la réforme du corps électoral, le collectif Solidarité Kanaky a tenu une conférence de presse ce mardi 13 mai à Paris. Objectif : rendre public un rapport inédit sur la situation de 69 prisonniers kanak transférés dans l’Hexagone, dans le plus grand silence, depuis juin 2024.
« On a choisi cette date symbolique car on ne parle jamais des déportés du Camp Est. Ce transfert massif est resté invisible », déplore Julie, membre du collectif, qui accompagne les personnes détenues originaires de Nouvelle-Calédonie incarcérées en métropole.
Des détenus politiques méconnus
Dans l’opinion publique, l’attention s’est surtout portée sur les sept membres de la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain), notamment Christian Tein, emprisonnés dans l’Hexagone. Mais selon Maître Julie Jarno, avocate d’une dizaine de ces détenus, ce sont en réalité plus de soixante prisonniers qui ont été transférés discrètement depuis la prison du Camp Est à Nouméa.
« On les considère comme des détenus politiques, car ils sont victimes d’une logique coloniale : vider les prisons locales pour faire de la place, après les arrestations massives de mai 2024 », explique l’avocate.
Elle souligne que, pour la plupart, ces personnes étaient déjà incarcérées avant les émeutes. Pourtant, elles ont été envoyées à des milliers de kilomètres de leur territoire sans information claire ni recours possible.
Une quarantaine de prisons mobilisées
Le rapport, fruit de dix mois d’investigation, recense ces 69 détenus aujourd’hui répartis dans près de 40 établissements pénitentiaires en métropole.
Le collectif a dû effectuer lui-même ce travail de recensement, l’administration refusant de communiquer sur ces transferts.
« Nous avons dû les retrouver un à un, les mettre en lien avec des avocats, reprendre contact avec leurs familles, parfois totalement perdues », explique Julie.
Des transferts précipités et opaques
Les transferts de détenus depuis les Outre-mer vers la métropole ne sont pas nouveaux, notamment pour soulager la surpopulation carcérale. Mais depuis mai 2024, la pratique s’est intensifiée et déroutée de sa logique habituelle.
Certains détenus n’avaient plus que quelques mois de peine à purger quand ils ont été brusquement envoyés vers la métropole.
« On parle de gens à qui il restait deux ou trois mois à faire… Pourquoi les avoir envoyés à l’autre bout du monde ? », s’interroge Maître Jarno.
Pire encore, certains n'ont été informés de leur transfert que quelques heures avant leur vol, sans possibilité de prévenir leurs proches. Parfois, on leur faisait croire qu’ils allaient simplement changer de prison sur le territoire calédonien.
Des familles isolées, des retours impossibles
Lors de la conférence, une vidéo poignante a été diffusée : celle d’une mère ayant suivi ses deux fils incarcérés jusqu’en métropole. Elle y raconte ses difficultés économiques et administratives depuis son installation en France, pour rester proche d’eux.
Des témoignages similaires abondent. Et la perspective d’un retour des prisonniers en Nouvelle-Calédonie reste très incertaine. Sur les 69 cas recensés, un seul a obtenu une décision de retour favorable, mais celle-ci n’a pas encore été appliquée : son passeport arrive à expiration.
Un an après les émeutes, le collectif Solidarité Kanaky appelle à une prise de conscience : "Ces transferts ne doivent pas rester invisibles. Ce sont des décisions graves, lourdes de conséquences humaines, familiales et politiques."
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