Haïti : des mercenaires américains recrutés pour combattre les gangs

 

Une enquête du New York Times révèle qu’Erik Prince, entrepreneur militaire privé et figure controversée de la sécurité internationale, serait impliqué dans un projet visant à fournir des mercenaires et du matériel militaire pour lutter contre les gangs en Haïti.

Erik Prince, ancien membre des forces spéciales américaines, est surtout connu pour avoir dirigé la société militaire privée Blackwater. Celle-ci avait été engagée aux côtés des troupes américaines en Irak et en Afghanistan, avant d’être dissoute en 2009 à la suite d’un scandale retentissant : en 2007, des agents de Blackwater avaient tué 17 civils à Bagdad, provoquant une indignation internationale.

Depuis, Prince a fondé plusieurs autres sociétés opérant dans le domaine de la sécurité et du mercenariat, fournissant des services armés à des gouvernements ou des entités privées.

Des drones et bientôt des hommes

D’après les informations du New York Times, Prince aurait déjà commencé à fournir des drones capables de larguer des explosifs dans les quartiers haïtiens contrôlés par les gangs. Ces frappes, initiées en mars 2025, auraient fait près de 200 morts parmi les civils, sans qu’aucun chef de gang n’ait été capturé ou neutralisé à ce jour.

Une prochaine phase de l’opération prévoit le déploiement de 150 mercenaires sur le terrain, selon les journalistes David Adams, Frances Robles et Mark Mazzetti. Les armes seraient déjà arrivées à Port-au-Prince, et certains des hommes recrutés proviendraient du Salvador. Des sources évoquent également la possibilité d’opérations héliportées contre les bastions des gangs.

L’incertitude demeure quant à la coordination entre ces mercenaires et les forces de sécurité haïtiennes, ou encore la mission kényane déployée sous mandat international.

Un contrat signé, mais opaque

Selon les sources du New York Times, un accord aurait été conclu entre Erik Prince et le gouvernement intérimaire haïtien. Toutefois, les détails du contrat, notamment son financement, n’ont pas été rendus publics. Les autorités haïtiennes n’ont pas souhaité répondre aux sollicitations du journal américain, et Erik Prince lui-même est resté silencieux.

Aux États-Unis, le département d’État a confirmé être informé de cette initiative, tout en précisant qu’il ne finance en aucun cas les opérations de Prince. Ce dernier n’aurait besoin que d’une simple licence délivrée par les autorités américaines pour intervenir à l’étranger sans être soumis à un contrôle direct.

Une influence politique persistante

Figure influente dans les cercles conservateurs américains, Erik Prince est également connu pour ses liens étroits avec Donald Trump, dont il a soutenu la campagne électorale de 2024. Sa sœur, Betsy DeVos, a occupé le poste de secrétaire à l’Éducation durant le premier mandat de Trump.

Un proche de Prince a confié au New York Times que ce dernier envisage une implication plus large en Haïti : outre les opérations armées, il souhaiterait aussi intervenir dans les domaines des douanes, du transport et de la reconstruction des institutions étatiques.

Ce projet, à la fois ambitieux et controversé, suscite déjà de vives inquiétudes parmi les observateurs, qui redoutent une privatisation incontrôlée de la sécurité dans un pays plongé dans une grave crise politique et sociale.

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