Les personnes âgées jamaïcaines sont de plus en plus confrontées à des abus inquiétants : expulsions illégales, manœuvres frauduleuses de promoteurs immobiliers, honoraires détournés par des avocats, et absence d’accompagnement institutionnel. Ces dérives ont été portées à l’attention du Comité spécial du Sénat, qui étudie actuellement les propositions de loi sur la protection des aînés.
Mardi, à Gordon House à Kingston, une représentante du Comité consultatif du district de Matilda's Corner (MCDCC), également juge de paix, a témoigné des difficultés que rencontrent les personnes âgées, notamment en matière de logement. Elle a exhorté la Commission des copropriétés à s’impliquer davantage dans la défense des résidents vulnérables.
« Il faut que la Commission mène des enquêtes quand des personnes âgées sont ciblées. Beaucoup ignorent leurs droits, ne savent pas vers qui se tourner. Cela les laisse démunis, ce qui a des conséquences graves sur leur santé. »
Elle a évoqué plusieurs cas dans sa circonscription, laissant entendre que de nombreux autres restent tus, par peur ou résignation.
Copropriétés : un terrain miné pour les seniors
Dans les copropriétés — où les propriétaires partagent les charges et la gestion des parties communes —, les personnes âgées sont souvent à la merci de comités peu transparents ou de promoteurs sans scrupules. Lenteurs administratives, absence de comptes-rendus financiers, intimidations : les obstacles sont nombreux et parfois dangereux.
Interpellée par la sénatrice et psychiatre Saphire Longmore, la représentante a affirmé :
« À Kingston, certains promoteurs vont jusqu’à intimider, harceler... et parfois, des personnes finissent par mourir. »
Des propos jugés extrêmement graves par la sénatrice de l’opposition Sophia Frazer-Binns, qui a appelé à des poursuites judiciaires dans les cas les plus sévères.
La présidente du comité, Sherene Golding Campbell, a appuyé :
« Ces faits relèvent du droit pénal. Ils doivent être signalés à la police. »
Une réponse institutionnelle encore trop timide
Le Comité a noté plusieurs manquements dans l’action de la Commission des copropriétés, notamment son refus d’intervenir en cas d’irrégularités comptables. Pourtant, comme l’a rappelé Golding Campbell, des obligations légales existent, aussi bien pour les comités de copropriété que pour la Commission elle-même.
« Ce sont des points qu’il est possible de corriger facilement par la loi. Mais pour cela, il faut une volonté réelle de protéger les plus vulnérables. »
La représentante du MCDCC a aussi dénoncé l’inaction de certains avocats :
« Ils prennent l’argent de leurs clients, souvent des personnes âgées, puis disparaissent sans jamais traiter le dossier. »
Face à cela, Golding Campbell a rappelé qu’un mécanisme de plainte existait auprès du Conseil juridique général.
Des témoignages glaçants
Déjà, lors d'une précédente session du 13 mai, le Comité avait été choqué par des témoignages accablants : un homme âgé retrouvé affamé, ses comptes vidés par une amante plus jeune ; des abus sexuels perpétrés sur des seniors vulnérables ; ou encore des aides-soignants qui s’approprient les économies de leurs employeurs.
Ces témoignages proviennent notamment de la Communauté des retraités des Caraïbes, qui plaide pour l’adoption urgente d’une législation de protection.
Vers une loi pour protéger les aînés
Le Comité spécial sur les personnes âgées, instauré à la suite d’une motion du sénateur Floyd Morris en 2021, s’apprête à soumettre un rapport détaillé au Sénat, avec l’objectif de faire avancer une loi-cadre sur la dignité, les droits et la protection des seniors en Jamaïque.
« Le droit des aînés ne peut plus être ignoré. Il s’agit de justice, d’humanité, et de responsabilité collective », a conclu Golding Campbell.
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