Le sénateur guadeloupéen Victorin Lurel a déposé une proposition de loi visant à abroger définitivement les textes juridiques qui, dans l’histoire française, ont encadré et justifié l’esclavage colonial. Un appel solennel est lancé au Parlement pour inscrire cette initiative à son ordre du jour.
Huit ans après avoir obtenu l’abrogation de l’ordonnance de 1825 imposant un tribut à Haïti et de la loi de 1849 sur l’indemnisation des colons, Victorin Lurel poursuit son engagement pour une justice mémorielle. Le lundi 26 mai, depuis Vieux-Habitants en Guadeloupe, il a annoncé le dépôt d’une proposition de loi inédite : faire disparaître du corpus juridique français les derniers vestiges normatifs de l’esclavage.
« Je considère que ces véritables monstruosités juridiques doivent être abrogées », écrit-il, estimant qu’elles continuent de légitimer, même symboliquement, des logiques de domination raciale et sociale.
Des textes toujours en vigueur, bien que "dormants"
Dans le viseur du sénateur : plusieurs textes fondateurs du système esclavagiste, jamais formellement abrogés, bien que dépourvus d’effet juridique :
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Le Code noir promulgué en 1685 sous Louis XIV, qui réglementait l’esclavage dans les colonies antillaises ;
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Les Lettres patentes de 1723, ou "Code noir des Mascareignes", applicables à La Réunion (île Bourbon) et à l’île Maurice (île de France) ;
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La loi du 20 mai 1802, par laquelle Bonaparte a rétabli l’esclavage aboli quelques années plus tôt en 1794.
Pour Victorin Lurel, le maintien de ces textes dans les archives officielles est une anomalie morale et symbolique qui mine les principes d’égalité et de dignité.
Vers une reconnaissance des préjudices et des réparations
La proposition de loi ne s’arrête pas à l’abrogation. Le sénateur socialiste appelle également le Gouvernement à :
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Supprimer les textes réglementaires relatifs à l’indemnisation des colons et à l’engagisme à La Réunion et à Maurice ;
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Mettre en place un comité de personnalités qualifiées pour évaluer les préjudices issus de la traite négrière et de l’esclavage, et réfléchir aux formes de réparations possibles.
Il précise que cette démarche n’a rien d’une revendication de repentance, mais s’inscrit dans une logique de justice historique, en cohérence avec les valeurs républicaines.
Une responsabilité pour l’exécutif
Le 13 mai dernier, le Premier ministre s’était engagé à proposer une loi abrogeant le Code noir. Victorin Lurel salue cette annonce, mais plaide pour une initiative législative plus ambitieuse, embrassant l’ensemble des textes coloniaux esclavagistes.
Il appelle le Gouvernement à inscrire ce texte à l’agenda du Parlement sur le temps réservé à l’exécutif, estimant que l’abrogation serait un acte d’honneur pour la République.
« L’honneur de notre République serait de procéder à ces abrogations », conclut-il, en hommage à toutes les victimes de l’esclavage, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
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