Eau non potable : la Cise Réunion condamnée à indemniser plus de 89 000 clients

 

Le tribunal de Saint-Denis a condamné, le 27 mai, la Cise Réunion à indemniser 89 309 usagers pour avoir distribué de l’eau impropre à la consommation entre 2016 et 2022. Cette décision concerne les communes de Sainte-Marie, Saint-André, Saint-Benoît, Salazie et Les Avirons.

Certains habitants avaient constaté une eau marron s’écoulant de leur robinet. Saisie par une action de groupe menée par l’UFC Que Choisir Océan Indien, la justice a reconnu la responsabilité de l’opérateur privé, filiale du groupe SAUR. Chaque client concerné devra être indemnisé à hauteur de 54 centimes par jour et par personne, pour toute la période durant laquelle l’eau distribuée n’était pas conforme aux normes de potabilité.

Exécution immédiate et obligation de fournir de l’eau potable

Le jugement est assorti d’une exécution provisoire. Concrètement, la Cise Réunion est désormais dans l’obligation de garantir l’accès à une eau potable à ses clients. En attendant le rétablissement d’un service conforme, elle devra fournir des bouteilles ou installer des fontaines. Faute de quoi, des sanctions financières supplémentaires pourraient s’appliquer.

« Elle devra continuer à livrer de l’eau en bouteille tant que la preuve de la conformité de l’eau du robinet ne sera pas apportée », explique Maître Guillaume de Grey, avocat de l’UFC Que Choisir Océan Indien.

Une action née d’un précédent jugement

Cette victoire collective fait écho à une première affaire datant de 2019. À l’époque, Maxime Leclerc, un habitant de Saint-André, avait obtenu seul le remboursement de cinq ans de consommation d’eau en bouteille, soit près de 3 000 euros. Il se réjouit aujourd’hui d’avoir contribué à cette avancée :

« Mon objectif, au-delà de ma famille, était de jouer collectif pour que d’autres bénéficient de mon expérience », témoigne-t-il.

Cette première victoire a en effet encouragé l’association de consommateurs à lancer une action de groupe en 2021, dénonçant la présence de bactéries fécales dans l’eau distribuée.

Une situation dénoncée depuis longtemps

L’UFC Que Choisir soulignait déjà en 2021 les inégalités territoriales : alors qu’en métropole, 98 % des foyers reçoivent une eau conforme aux normes sanitaires, la moitié des Réunionnais serait alimentée par une eau de qualité dégradée. « Une situation moyenâgeuse intolérable », déplorait l’association.

Des responsabilités partagées ?

Du côté de la Cise Réunion, la décision suscite l’incompréhension. L’avocat de l’entreprise, Laurent Ayache, pointe deux paradoxes : d’abord, la Cise ne dessert que 18 % des habitants de l’île, ensuite, le jugement reconnaît que le problème est structurel — un manque d’infrastructures — tout en en faisant peser la responsabilité sur l’opérateur privé.

« La Cise est tenue pour responsable sans être à l’origine du problème, ni disposer des moyens de le résoudre », affirme-t-il, ajoutant que le jugement invite simplement l’entreprise à « se retourner » vers les collectivités locales et les services de l’État, comme la CIREST, la CINOR ou l’ARS.

Quelle suite pour les usagers ?

La Cise Réunion pourrait décider de faire appel de cette décision. En attendant, les abonnés concernés doivent se faire connaître auprès de l’UFC Que Choisir pour enclencher la procédure d’indemnisation.

Commentaires