"Locks Yana Fest" : la Guyane célèbre les dreadlocks sous toutes leurs formes

 

À Rémire-Montjoly, les dreadlocks étaient à l’honneur lors de la toute première édition du Locks Yana Fest, un événement unique en son genre porté par l’association guyanaise Nou Chivé. Au programme : conférences, ateliers, master class, concours et défilé de mode. Une journée festive et engagée pour valoriser une coiffure longtemps stigmatisée, aujourd’hui pleinement assumée.

Pour Elsa Kerel, fondatrice de Nou Chivé, ce festival est l’aboutissement d’un engagement de longue date en faveur du cheveu naturel et de sa valorisation.

« J’ai créé "A Nou Chivé" pour valoriser le cheveu afro, et locksé. En Guyane, de plus en plus de personnes portent des locks. Elles recherchent des conseils, des solutions pour les entretenir avec des produits naturels, mais aussi pour mieux comprendre leur histoire et leur portée spirituelle et culturelle. »

Autour d’un bar à locks, de démonstrations, de partages d’expériences et d’un concours des locks les plus longues, le public a pu se plonger dans l’univers riche et diversifié de cette coiffure ancestrale. Nouveauté majeure de cette édition : la participation de spécialistes venues de toute la Caraïbe.

Des expertes venues de la Martinique et de la Guadeloupe

Parmi les invitées de marque, la Martiniquaise Acoua Hope, coiffeuse, formatrice et cheffe d’entreprise, a partagé son expertise dans la réalisation et l’entretien des locks.

« Je tourne la mèche sur toute la longueur, contrairement à d'autres qui ne traitent que la racine. C’est une technique qui permet une meilleure tenue et santé du cheveu. »
Attachée aux produits naturels, elle mise sur des recettes traditionnelles :
« J’utilise de l’aloe vera, du gombo, de l’hibiscus. Des soins que me préparait ma grand-mère, et qui respectent le cheveu afro. »

Acoua Hope, après ce passage en Guyane, animera un événement similaire en Martinique le 6 juillet, baptisé "Unity Locks and Co", au Diamant.

Venue de la Guadeloupe, Nadhya Darase, plus connue sur les réseaux sous le nom de Natty’well, a elle aussi partagé son savoir lors de conférences et d’ateliers.

« Porter des locks a toujours été une évidence pour moi. Tous mes oncles en portaient. Mon père est Guadeloupéen, ma mère dominiquaise. Il y a 20 ans, c’était encore mal vu. Aujourd’hui, ça a beaucoup changé. »

Coiffeuse à domicile et locktitienne depuis 15 ans, elle insiste sur la dimension spirituelle de cette coiffure :

« Ce n’est pas qu’un style. C’est une hygiène de vie. Porter des locks, c’est aussi valoriser son être, se reconnecter à soi, à la nature et au divin. »

Elle rappelle également un moment clé de revalorisation des locks dans les Antilles :

« Le mouvement LKP en 2009 a tout changé. Ce réveil identitaire a redonné une fierté à notre chevelure naturelle. »

Des racines millénaires et universelles

Au-delà de l’esthétique, le Locks Yana Fest a aussi offert un éclairage historique sur les origines des dreadlocks, une coiffure présente depuis des millénaires à travers le monde :

  • En Inde, les premiers textes védiques (2500–1500 av. J.-C.) décrivent déjà le dieu Shiva et ses disciples portant des “jaTaa” — des nœuds de cheveux emmêlés.

  • En Égypte ancienne, des momies de pharaons ont été retrouvées avec des locks parfaitement conservées.

  • En Grèce antique, chez les Celtes, les Vikings, et dans plusieurs peuples d’Afrique de l’Est ou d’Océanie, les locks étaient déjà portées avec fierté.

Dans l’hindouisme, elles symbolisent le renoncement. Dans la Bible, elles sont signe de consécration à Dieu — comme chez Samson, figure emblématique à la chevelure jamais coupée.

En Afrique, de nombreuses ethnies, comme les Maasaï, utilisent les locks pour marquer le statut social, l’appartenance religieuse ou l’initiation.

Enfin, en Jamaïque, les Rastafaris ont donné aux dreadlocks leur portée contemporaine, spirituelle et militante. Le terme “dreadlocks” fait d’ailleurs référence à la “crainte” — de Dieu, ou inspirée par les rebelles rastas. C’est le mouvement rastafari, relayé mondialement par Bob Marley, qui a transformé les locks en symbole universel de résistance, de spiritualité et d’identité.

Un festival pour l’acceptation et la transmission

Le Locks Yana Fest n’est pas qu’un simple événement capillaire : c’est une déclaration culturelle, un espace de transmission et de réappropriation. Une célébration du cheveu afro sous toutes ses formes, mais surtout un manifeste pour l’estime de soi, l’identité et la liberté de s’exprimer à travers sa chevelure.

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