Il existe dans le processus de création musicale, une étape majeure, prépondérante, cruciale qui façonne et cristallise l’inspiration de l’artiste. Elle donne un caractère au son qui finira sur toutes les enceintes : le studio.
C’est la confrontation d’une vague idée, d’une vibe, d’une inspiration diffuse avec la technicité, la clarté, la rigueur. Le ring : êtes-vous capable? êtes-vous prêt ? Suffisamment entraîné. D’où la notion de répétitions…. Parce que peu sont ceux qui connaissent la musique et croient au génie supposé des amateurs de One Shot au prétexte que la première est toujours la bonne…
Le studio, d’où sortira votre première maquette sérieuse; celle que vous irez fièrement défendre par monts et par vaux. Mais revenons à la fonction du studio, c’est véritablement ce qu’on pourrait appeler l’engrais vital de la musique, ce qui explique son aspect aussi nécessaire qu’addictif.
Qu’y-a-t il de si extraordinaire dans un studio ?
Des opportunités et des possibilités infinies. En studio, l’artiste dispose d’une précision technique et d’une exactitude auditive extrême qui vont lui permettre de décortiquer sa musique à un point que peu d’auditeurs non avertis imaginent. À ceci s’ajoute l’étendue des possibilités offertes par le nombre de pistes, d’effets, d’instruments, de musiciens, d’ingénieurs du son, de conseillers artistiques, et donc de possibilités que le produit croisé de tous ces ingrédients mobilisés pour magnifier une oeuvre, aboutisse à un titre phare.
Car si beaucoup d’auteurs compositeurs parviennent à imaginer, composer et entendre toute la musique finale dès l’idée de départ, le studio a cette magie qui fait qu’une inspiration tardive, parfois involontaire, peut tout chambouler et donner une autre couleur à un projet musical pourtant très bien préparé.
Il peut s’agir du sifflement d’un électricien qui passe dans le couloir du studio, de l’oubli de la batterie lors d’une énième réécoute, d’une suggestion timide de l’assistant du studio qui n’avait pas prononcé un mot de toutes les séances, d’une fausse note qui se glisse à un moment inattendu, d’un micro laissé ouvert dans la cabine où un des musiciens fait ses gammes, …
L’ingéson, orfèvre essentiel de la création musicale
Au delà de la vision impressionnante de tous ces boutons, de ces centaines de câbles enroûlés et suspendus, de tous ces vumètres à aiguille qui oscillent de gauche à droite au gré des pulsations de la musique, de ses empilements structurés d’amplis et autres racks aux noms impossibles à retenir, en studio, il y a aussi ces hôtes avec qui, les artistes en font peu cas, s’instaure une relation intense, unique, exclusive et presque fusionnelle. L’ingéson, et s’il y en a un, son assistant. Et il va y avoir, entre l'artiste et l'ingéson, une collaboration mue en recherche d’alchimie pour magnifier l’essence artistique.
Personnage central, essentiel, grand ordonnateur des machines, qui maîtrise cet endroit à la perfection. Lui qui ne fait pas que ressentir les fréquences mais sait en atténuer ou exacerber les contours avec nuances en manipulant délicatement n’importe quel bouton de cette immense table de mixage avec une précision qui frise la tactique militaire.
Son oreille, sa connaissance de la musique, son expertise technique, son approche artistique et ses astuces constituent un savoir-faire, sa patte, dont chaque artiste tirera un morceau taillé sur mesure.
Il reconnait les câbles défaillants en un coup d’oeil, sait que tel ampli va grésiller une fois qu’il sera chaud, préfère la résonance de la cabine quand elle est froide, conseille d’essayer avec un autre type de micro pour renforcer une sonorité…
Et il doit s’imprégner dès les premiers instants de la relation avec l’artiste, de son univers, de l’intention et de la direction musicale souhaitée. Lourde responsabilité. Il doit apporter par sa technicité, ce petit supplément qui révèlera, par le prisme de la qualité aussi exceptionnelle qu’impitoyable de ses enceintes, tout le potentiel qui réside dans cette inspiration.
Ce jardinier a littéralement entre les mains cette petite graine, cette idée sortie de la tête de l’artiste. Et il va lui donner, quoiqu’en disent les égos les plus retors à l’idée qu’une tierce personne puisse avoir un apport positif à leur création, une vie, une âme, un caractère, une couleur, une tonalité première plus ou moins conforme à l’idée de ce que peut-être la perfection pour cette pépite musicale confiée.
Le passage obligé de tout artiste musicien
Le studio. Endroit confiné où tout ne tourne qu’autour de la préoccupation unique de l’artiste. On pourrait presque en dire que le son y remplace l’air. En cela, il est un cocon nécessaire et addictif. Les nombreux qui ont pu se doter ou peuvent bénéficier d’un home studio suffisamment bien équipé, peuvent attester de son pouvoir attractif et accaparant. Toutefois, par sa capacité d’isolement et son caractère parfois hypnotique, il peut avoir un effet pervers flatteur, et ainsi induire en erreur. Ce qui signifie, nous n’en avons pas parlé jusqu’alors, une perte de temps. Une perte de fraicheur auditive, une perte de spontanéité dans les idées appelées à surgir, une lassitude face au morceau travaillé, et à l’entêtement infructueux qui génère doute, énervement, et tensions là où ne devrait régner qu’harmonie, inspiration, et bonnes vibrations.
Car, à moins de conditions exceptionnelles permettant de s’y rendre et de travailler sans se soucier de l’aspect pécunier, le temps en studio est évidemment compté, et chèrement.
C’est d’ailleurs ce qui le rend synonyme d’exigence. D’efficacité dans l’enregistrement, ce qui a drastiquement réduit le nombre d’invitations de musiciens, faisant la part belle aux samplers, Beatmakers, et DJ.
Le studio c’est aussi cet endroit secret où se trament des rencontres, programmées ou opportunes, où s’aiguise des featurings conçus pour surprendre, régaler le public, et où la force de la musique élève les talents de manière simultanée le temps d’un projet.
Le studio, c’est un temps suspendu pendant lequel l’artiste essore sa passion créative pour en extraire la substantifique moelle. Il est parfaitement concentré sur son objectif et, que ce soit pour répéter, pour enregistrer ou pour mixer, tout y est fait pour exacerber son potentiel artistique. Et c’est seulement en ce lieu qu’il exprime pleinement son talent pour affirmer ce statut choisi d’appartenance à la grande famille des musiciens.
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