Le Sénat adopte une proposition de loi pour restreindre l'accès à la nationalité française à Mayotte
Le message que cherchent à faire passer les parlementaires et le gouvernement semble clair : "Ne venez pas accoucher à Mayotte". Ce texte vise à limiter l'accès à la nationalité française pour les enfants nés de parents étrangers, dans le but de lutter contre l'immigration clandestine dans le département le plus pauvre de France. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a souligné que chaque année, de nombreuses femmes enceintes prennent des risques pour accoucher en France, attirées par la possibilité d'obtenir la nationalité française. Il a également rappelé son engagement en faveur d’un durcissement du droit du sol, ayant proposé auparavant la suppression de ce droit à Mayotte lorsqu’il était ministre des Outre-mer.
"Cette pression migratoire a des conséquences lourdes pour la population mahoraise", a expliqué Stéphane Le Rudulier, sénateur LR des Bouches-du-Rhône et rapporteur de la proposition de loi. Il a ajouté que les écoles mahoraises ne sont pas capables d’accueillir tous les élèves en âge de scolarisation.
Un durcissement déjà en place depuis 2018
Le droit du sol à Mayotte est déjà soumis à un régime dérogatoire depuis 2018. Un enfant né de parents étrangers sur l’île ne peut obtenir la nationalité française que si l’un des parents a résidé de manière régulière à Mayotte pendant au moins trois mois avant la naissance. La loi adoptée par le Sénat mardi modifie cette condition, en l'augmentant à un an de résidence.
La mesure a reçu le soutien massif des élus de droite et du centre, à l’image de la sénatrice de Mayotte, Salama Ramia, élue avec le groupe macroniste RDPI. "Mayotte suffoque", a-t-elle expliqué pour justifier son soutien à cette loi. Toutefois, elle a reconnu que cette mesure, bien qu'importante, ne suffira pas à résoudre les problèmes liés à l'immigration. "Il y a un message fort qui est passé", a-t-elle ajouté.
Des ajustements apportés par le Sénat
La version du texte adoptée par le Sénat mardi est cependant différente de celle votée à l’Assemblée nationale début février. Au départ, la loi prévoyait que les deux parents doivent avoir résidé régulièrement à Mayotte pendant au moins trois ans avant la naissance de l’enfant. Mais cette proposition a été jugée "disproportionnée" par les sénateurs. Craignant une inconstitutionnalité et l'impact sur les familles monoparentales, ils ont opté pour un assouplissement, réduisant la durée de résidence à un an et n’exigeant plus que l’un des deux parents justifie d’une résidence régulière.
Stéphane Le Rudulier a expliqué que la mesure initiale, qui imposait aux deux parents d’être en situation régulière, aurait pu entraîner des reconnaissances frauduleuses, un phénomène bien connu à Mayotte. Salama Ramia a tenté de rétablir la version plus stricte, estimant que les reconnaissances frauduleuses sont déjà un problème majeur, mais sa proposition a été rejetée par les sénateurs.
Une opposition de gauche
L'opposition au durcissement du droit du sol est venue principalement des sénateurs de gauche. Evelyne Corbière Naminzo (groupe communiste, La Réunion) a critiqué le texte, soulignant que les enfants n'ont pas choisi leur lieu de naissance ni la situation administrative de leurs parents. Selon elle, la loi est inconstitutionnelle et inefficace.
Certains élus ont estimé que la législation de 2018, bien qu’elle ait réduit le nombre de naturalisations, n’a pas freiné l’immigration illégale, ni la natalité. Corinne Narassiguin (groupe socialiste, Seine-Saint-Denis) a plaidé que remettre en cause les droits d'accès à la nationalité n'est pas la solution aux problèmes migratoires.
Saïd Omar Oili, sénateur mahorais, a également voté contre la proposition de loi. Selon lui, cette loi risque de créer "de faux espoirs" pour la population locale. Il a suggéré que le gouvernement travaille plutôt sur des solutions comme des cartes de séjour territorialisées, une position partagée par Salama Ramia. Les élus mahorais rencontreront le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, pour discuter de ces propositions.
Le texte en attente d’un compromis
Le texte, qui a été voté dans une version différente de celle adoptée par l’Assemblée nationale, doit désormais passer par une commission mixte paritaire. Députés et sénateurs devront se mettre d'accord sur une version commune de la loi. Le principal point de désaccord reste la question de savoir si la condition de résidence doit concerner un seul parent ou les deux. Une fois le compromis trouvé, le texte sera soumis à une dernière lecture avant son adoption définitive, marquant un durcissement effectif du droit du sol à Mayotte.
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