Le 29 avril 1945, les Françaises participaient à leur première élection. Mais à La Réunion, alors encore colonie française, les femmes ont dû attendre le 27 mai 1945 pour exercer ce droit historique, en raison du passage dévastateur d’un cyclone.
Un scrutin retardé par les éléments
En janvier 1945, un premier cyclone frappe La Réunion. Puis, le 7 avril, un second météore ravage à nouveau l'île. La Seconde Guerre mondiale touche à sa fin, mais La Réunion, affaiblie par le cyclone d’avril 1944 et le blocus maritime imposé par les Britanniques, peine à se relever.
Le 8 avril, le gouverneur de l’île dresse un constat alarmant : 13 morts, des infrastructures détruites, des récoltes anéanties. Face à l’ampleur des dégâts, les élections municipales, prévues initialement le 29 avril, sont repoussées au 27 mai (premier tour) et au 3 juin (second tour).
Une participation historique
Le 27 mai 1945, les Réunionnaises se rendent massivement aux urnes. Pour la première fois, elles votent. Malgré les pressions d’un clergé conservateur, elles s’imposent dans l’espace public : 73,5 % de participation, un taux qui fait rêver aujourd’hui encore.
"Ce taux fait rêver quand on y pense aujourd'hui", souligne Huguette Bello, présidente de la Région Réunion.
En jeu : 37 sièges municipaux à pourvoir dans une île toujours sous administration coloniale, 97 ans après l’abolition de l’esclavage. Le scrutin devient un véritable enjeu politique : d’un côté, les départementalistes de gauche du CRADS, qui militent pour une rupture avec l’ordre colonial ; de l’autre, les conservateurs, partisans du statu quo.
Une première voix pour les femmes
Les forces départementalistes remportent 12 mairies sur 23, marquant un tournant. Les femmes élues — comme Isnelle Amelin ou Apolina Delpha, aujourd’hui honorées par des établissements scolaires — s’imposent sur la scène politique locale.
"Le droit de vote n'est pas une fin, c'est un outil, un levier. C'est une arme contre l'effacement, la domination et l'oubli", rappelle Huguette Bello, également présidente d'honneur de l’Union des femmes réunionnaises.
À travers leur bulletin, les Réunionnaises ont affirmé leur place dans une société encore profondément inégalitaire. Elles ont, pour la première fois, pris en main leur destin — et celui de leur île.
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