Lors d’une conférence de presse tenue ce samedi, l’Observatoire régional du carnaval guyanais (ORCG) a annoncé qu’il ne défendra plus la candidature du touloulou à l’Unesco. Après dix années d’efforts, l’association présidée par Monique Blérald préfère se retirer du projet, invoquant un climat devenu trop conflictuel.
Affichée fièrement sur des objets promotionnels — « Je serai à l’Unesco, foi de touloulou » — cette ambition semblait pourtant inébranlable. Depuis une décennie, l’ORCG s’est donné pour mission de faire reconnaître le touloulou comme élément du patrimoine culturel immatériel mondial. Mais cette quête vient de s’achever brutalement.
Une rupture avec la CTG
La décision de l’ORCG intervient dans un contexte de vives tensions avec la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG). Monique Blérald dénonce notamment les déclarations publiques d’Emmanuel Prince, vice-président délégué à la culture, qui a critiqué l’absence d’un bilan financier clair justifiant les soutiens versés à l’association.
En mars, la CTG avait demandé un audit complet des dix dernières années. Problème : les chiffres présentés divergent fortement. La collectivité évoque un soutien global de 500 000 euros, incluant subventions, prêts de locaux et mise à disposition de personnel. Mais selon l’ORCG, ces données sont erronées. La trésorière pointe par exemple les 48 000 euros versés à une doctorante : « Cet argent ne nous a jamais été attribué directement ». L’association évoque un écart global de près de 300 000 euros.
"Notre engagement est remis en cause"
Au sein de l’ORCG, l’amertume est palpable. « Notre travail est remis en cause », déplore Monique Blérald. Elle souligne que les bilans sont transmis chaque année pour les demandes de subventions. « Nous demander un bilan décennal, c’est mobiliser 120 heures de travail de bénévoles. Ce temps aurait dû être consacré à finaliser le dossier Unesco. »
Le dossier confié à la CTG
Malgré l’avancée du projet — la candidature guyanaise devait être présentée au ministère de la Culture en décembre 2025 — l’ORCG a décidé de passer la main. « Nous avons remis l’intégralité du dossier à la CTG, à elle désormais de poursuivre le processus d’inscription », a déclaré l’association.
Dans la salle, plusieurs voix ont tenté de faire infléchir cette décision. Dominique Cyrille, conseillère pour le patrimoine culturel immatériel, s’est exprimée avec force : « Abandonner maintenant serait une erreur monumentale. 80 % du travail est déjà accompli. Ce serait comme arrêter une course à quelques mètres de la ligne d’arrivée. »
"Je me mets en retrait"
Monique Blérald, touchée personnellement par les critiques, affirme pour sa part vouloir se retirer : « Mon nom est jeté en pâture. Je croise les regards suspicieux, y compris ceux de mes étudiants. » Elle remercie toutefois les carnavaliers et les Guyanais qui ont soutenu l’initiative pendant dix ans.
Contacté, Emmanuel Prince n’a pas souhaité commenter la décision de l’ORCG. Absent du territoire, il a indiqué vouloir d’abord consulter ses équipes avant de prendre position.
Commentaires
Enregistrer un commentaire