Symbole de résistance culturelle et de mémoire vivante, le ponum est bien plus qu’une simple danse traditionnelle à Saint-Martin. Héritée de l'époque de l'esclavage, cette pratique artistique réunit musique, mouvement et spiritualité, rappelant l’histoire douloureuse de l’île tout en affirmant l’identité afro-caribéenne des Saint-Martinois. Un art joyeux, lourd de signification, qui se transmet de génération en génération, comme à l’école primaire Hervé Williams
C’est sur les terres fertiles de Saint-Martin, dans les champs de canne et les cours de plantation, qu’est née la danse ponum, au XIXe siècle. À l’origine, elle était exécutée par les personnes asservies pour célébrer un événement historique majeur : la fin de l’esclavage, le 1er juillet 1848, proclamée sur la partie néerlandaise de l’île. Cette date marque un tournant dans l’histoire locale, et le ponum devient le moyen d’exprimer, en rythme et en cadence, un profond soulagement, une explosion de joie, mais aussi un hommage aux ancêtres.
Depuis, la danse ponum est intimement liée à l’anniversaire de l’émancipation, célébrée chaque année par les communautés de Saint-Martin. Elle reste un marqueur puissant de mémoire collective, de libération et d’identité.
Des mouvements codifiés, une musique enracinée
Le ponum se danse en cercle ou en ligne, souvent pieds nus, au son de tambours, de shak-shak (calebasses sèches remplies de graines), de triangles et parfois de flûtes traditionnelles. Les mouvements sont rythmés, expressifs et ancrés dans le sol, traduisant l’énergie de la terre et le lien avec les ancêtres. Les pas rappellent à la fois la danse du travail, la marche de la révolte et les cérémonies spirituelles africaines.
Le rythme du tambour est fondamental. Il guide les danseurs, insuffle l’émotion, et crée une atmosphère envoûtante. La répétition des motifs musicaux évoque une forme de transe douce, où les corps racontent des histoires de douleur, de survie et de renaissance.
Un patrimoine en voie de redécouverte
Longtemps marginalisée ou associée à une époque révolue, la danse ponum connaît aujourd’hui un regain d’intérêt, porté par des efforts de transmission culturelle. Des écoles de danse, des groupes folkloriques et des initiatives communautaires œuvrent pour maintenir cette tradition vivante, notamment à l’occasion de la Emancipation Day, mais aussi lors de festivals et d’événements patrimoniaux.
Sur la partie néerlandaise de l’île, à Sint Maarten, plusieurs associations culturelles mettent en valeur le ponum en l’intégrant à des programmes éducatifs, en l’enseignant aux plus jeunes et en documentant son histoire. L’enjeu est de ne pas laisser disparaître une pratique qui a servi, et sert encore, de trait d’union entre les générations.
Une mémoire dansée
Danser le ponum, c’est rendre hommage à ceux qui ont lutté, survécu et transmis. C’est réaffirmer, par le corps, une fierté identitaire trop souvent mise sous silence. Alors que Saint-Martin est aujourd’hui traversée par des défis économiques et sociaux, cette danse continue de relier les habitants à leur histoire commune, à leurs ancêtres africains et à leurs luttes pour la dignité.
Le ponum n’est pas une simple curiosité folklorique : c’est une parole vivante, une mémoire incarnée, une forme d’art profondément politique. Sur cette île partagée entre deux souverainetés, il rappelle que la culture, elle, unit plus qu’elle ne divise.
Commentaires
Enregistrer un commentaire