Mauritanie : la mine d’uranium de Tiris peut-elle surfer sur le retour du nucléaire ?

 

Dans le nord-est de la Mauritanie, la société australienne Aura Energy s’apprête à lancer le développement de la première mine d’uranium du pays, sur le site de Tiris, pour une mise en production annoncée à l’horizon 2027. Alors que l’énergie nucléaire bénéficie d’un regain d’intérêt mondial — encouragé par des politiques de décarbonation et un soutien renouvelé de la Banque mondiale — le projet mauritanien pourrait-il profiter de cette conjoncture favorable ?

Un ancien projet relancé dans un contexte porteur

Le potentiel en uranium du bouclier de Reguibat, dans le Sahara mauritanien, est connu depuis les années 1960. Aura Energy s’y intéresse depuis 2008. À l’origine en prospection aurifère, l’entreprise repère une anomalie radiométrique, découvre de l’uranium… mais voit son projet freiné par la crise financière mondiale, puis par l’accident nucléaire de Fukushima, qui entraîne une chute durable des prix.

« Aujourd’hui, les prix de l’uranium remontent, le nucléaire vit une forme de renaissance. C’est le bon moment pour concevoir une mine à Tiris », estime Andrew Grove, PDG d’Aura Energy.

Une mine modeste mais peu coûteuse

Le gisement visé n’est pas massif — environ 1 000 tonnes d’oxyde d’uranium par an pendant dix ans — mais il présente un avantage certain : son exploitation à faible profondeur, donc moins coûteuse que certains projets concurrents, notamment au Niger. Aura Energy affirme être proche d’un accord avec une banque de développement pour un prêt de 150 millions de dollars, soit la moitié des 300 millions nécessaires au lancement du site.

Mais des obstacles majeurs subsistent

Malgré ce contexte favorable, plusieurs zones d’incertitude pèsent sur la viabilité du projet. D’abord, aucun contrat n’a encore été signé avec des exploitants de réacteurs nucléaires.

« Sans acheteurs assurés pour l’uranium, il sera difficile de convaincre les banques privées de financer le projet », souligne Teva Meyer, spécialiste du nucléaire.

Ensuite, se pose la question logistique. La Mauritanie ne dispose aujourd’hui d’aucune infrastructure spécifique pour le transport de matières radioactives. Le minerai devra très probablement transiter par le port de Nouakchott, mais ce corridor n’a jamais été utilisé pour de telles cargaisons.

« Il faudra mettre en place des procédures administratives, sécuriser la chaîne logistique, et convaincre un armateur de prendre en charge des volumes limités. Ce ne sera ni simple, ni très rentable », ajoute Meyer.

Une revente en perspective ?

Face à ces défis, certains observateurs n’excluent pas qu’Aura Energy envisage, à terme, de revendre le projet à un acteur plus puissant du secteur. Un scénario plausible, d’autant que son PDG Andrew Grove est un ancien cadre d’Orano, la filiale australienne du géant français du nucléaire.


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