La filière CBD en péril : les producteurs et distributeurs de chanvre menacés par le projet de loi de finances
L’examen du projet de loi de finances 2026, entamé lundi 20 octobre à l’Assemblée nationale, suscite une vive inquiétude parmi les acteurs de la filière du chanvre bien-être. Producteurs et distributeurs redoutent l’adoption de mesures qui pourraient, selon eux, signer « la mort de la filière ».
Deux articles au cœur des inquiétudes
Deux dispositions du texte concentrent les critiques.
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L’article 23 prévoit l’instauration d’un droit d’accise sur les produits à fumer contenant du CBD, alignant leur fiscalité sur celle du tabac. Une taxe de 25,7 % s’ajouterait ainsi à la TVA.
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L’article L.3513-18-2 du Code de la santé publique réserverait la distribution des produits à base de CBD aux bureaux de tabac et à certains établissements agréés par l’administration, sans que les critères d’agrément soient clairement définis.
Ces deux mesures, si elles étaient adoptées, bouleverseraient l’économie du secteur et menaceraient directement la vente en circuit court.
« Si ça passe, je change de métier »
Arthur Gallien-Gy, producteur de chanvre en Côte-d’Or depuis 2022, ne cache pas son désarroi :
« Si c’est adopté, c’est la mort de la filière. Moi, je change de boulot, tout simplement. »
Comme lui, la majorité des 1 000 exploitations françaises — contre une trentaine seulement en 2019 — sont de petites structures indépendantes ou des agriculteurs en reconversion. L’interdiction de la vente directe, conjuguée à une fiscalité lourde, mettrait selon lui la quasi-totalité des producteurs hors jeu.
« Il en resterait peut-être une quinzaine capables de survivre, et encore… »
Les circuits courts, les marchés ou les magasins spécialisés — les fameux CBD shops — seraient également frappés de plein fouet, car la loi imposerait un passage obligatoire par les entrepôts douaniers, comme pour le tabac.
Distributeurs sous le choc
En 2024, le marché du CBD représentait 850 millions d’euros de chiffre d’affaires et plus de 35 000 emplois, selon l’Association Française des Producteurs de Cannabinoïdes (AFPC).
Djamel Bousdassi, gérant du magasin Green Experience à Dijon, se dit abasourdi :
« Vous me l’apprenez, je suis sous le choc. J’ai ma clientèle, je fais partie du quartier, et là, j’apprends que je vais peut-être disparaître… »
Même son de cloche chez Julien Guigues, co-gérant des Fleurs de Jeanne, également à Dijon :
« Si le texte passe, on peut dire adieu à notre magasin. Les fleurs et les résines représentent une grosse partie de notre activité. »
Les deux professionnels s’inquiètent aussi pour les consommateurs.
« Les prix vont grimper et, dans les bureaux de tabac, les vendeurs ne connaissent pas les produits », souligne Djamel.
« C’est tout un savoir-faire, une connaissance du CBD et de sa qualité, qui se perdrait », renchérit Julien.
« On parle de tuer une filière agricole »
Pour Hugo Bessenay-Prolonge, responsable des affaires publiques à l’AFPC, la mesure est « un coup de massue » :
« On parle véritablement de tuer une filière agricole et de remettre le marché entre les mains du Big Tobacco. »
Il déplore un amalgame entre la fleur de chanvre et le tabac manufacturé :
« Le tabac tue 75 000 personnes par an en France. La fleur de chanvre, elle, n’a jamais tué personne et aide même certains consommateurs à réduire leur usage de THC. »
L’AFPC et les syndicats de la filière promettent de se mobiliser dans les prochaines semaines pour tenter d’infléchir le texte avant le vote final, prévu d’ici le 23 décembre.
« Nous sommes favorables à un encadrement, mais pas à un modèle qui exclut nos chanvriers de la vente directe », conclut le représentant.

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