Le gouvernement a justifié cette suspension par un «risque réel» pour la «sécurité nationale» sur fond de l’affaire «Missie Moustass», une diffusion d’enregistrements impliquant un grand nombre de décideurs politiques.
Les Mauriciens se sont réveillés ce 1er novembre privés de réseaux sociaux. Les applications Facebook, TikTok et Youtube n’étaient pas accessibles dans l’île de l'océan Indien où des élections législatives sont prévues dans dix jours. Dans la matinée, le second plus grand opérateur de télécommunications de Maurice, EMTEL, a expliqué avoir reçu de l'Autorité des technologies de l'information et de la communication (ICTA) l'ordre, jeudi soir, de bloquer l'accès à toutes les plateformes de réseaux sociaux. Le blocage devrait durer jusqu'au 11 novembre, soit le lendemain du scrutin.
La raison ? Des «publications illégales» apparues sur les plateformes depuis mi-octobre, qui laisseraient planer le risque d’un «impact sur la sécurité nationale et la sécurité publique», a mentionné l’opérateur. Depuis mi-octobre, des extraits de conversations téléphoniques de politiques, de membres de la société civile, de diplomates, des avocats et de journalistes, enregistrés à leur insu, ont fuité sur les réseaux sociaux, plongeant l’Île Maurice dans un vaste scandale politique.
L'affaire, baptisée «Missie Moustass» du nom du compte anonyme divulguant les enregistrements, révèle de profonds dysfonctionnements au sein des services de l'État et met en cause jusqu’à de hauts cadres de la police. L’organisation Transparency Mauritius a demandé une enquête indépendante pour éclaircir ces «allégations d'abus de pouvoir», mettant dans le même temps en garde contre la diffusion «d’informations non vérifiées». Dans le cadre de l’enquête sur ces fuites, l'ancien PDG de Mauritius Telecom, Sherry Singh, a été arrêté vendredi soir avec trois autres suspects, ont indiqué des sources policières à l'AFP.
Moins de 10 jours avant les élections
Vendredi matin, le bureau du premier ministre de Maurice Pravind Kumar Jugnauth - dont la voix est entendue dans le dernier enregistrement diffusé - a confirmé l’ordre de suspension venu de l’ICTA, précisant que cette décision avait pour objectif de «préserver notre sécurité nationale et l'intégrité du pays, ainsi que celles de nos partenaires internationaux», a déclaré le cabinet dans un communiqué. Peu après cette décision, le président du National Cybersecurity Committee, Didier Sam-Fat, a annoncé sa démission pour exprimer son indignation.
Sur l’île de l’océan Indien habitée par un peu plus d’1,2 million de personnes, l'une des démocraties les plus stables d'Afrique, quelque 820.000 personnes utilisent Facebook - soit plus de la moitié de la population - et 390.000 sont inscrits sur Instagram. La messagerie WhatsApp restait accessible vendredi matin, bien que la presse mauricienne ait fait état depuis une semaine déjà de forts ralentissements sur l'application, empêchant les partages de vidéos, ou mettant court brutalement à des conversations téléphoniques. Pour le reste, NetBlocks, un organisme de surveillance de la gouvernance de l'internet, a confirmé que Facebook, Instagram, TikTok et X n'étaient pas accessibles.
Cette coupure généralisée survient à moins de dix jours du scrutin du 10 novembre, où les Mauriciens sont appelés aux urnes pour élire leurs députés. Lors de cette élection, le Mouvement socialiste militant (MSM) du premier ministre Pravind Kumar Jugnauth cherchera à conserver sa majorité à l'Assemblée nationale pour accorder au chef du gouvernement un nouveau mandat de cinq ans. Ce dernier a accédé à ce poste à la mort de son père en 2017, avant d'assurer la victoire de sa coalition lors des législatives de 2019.
«C'est choquant, révoltant et inacceptable. C'est un signe de panique», a déclaré Paul Berenger, l'un des dirigeants de la coalition d'opposition Alliance pour le changement. «Nous avons affaire à des personnes dangereuses pour le pays. Les avocats travaillent sur ce qui peut être fait légalement. Nous allons agir très rapidement sur le plan juridique et politique», a-t-il ajouté. «C'est le dernier acte désespéré d'un régime en déroute», a renchéri de son côté Nando Bodha, chef du groupe d'opposition Linion Reform. «Il attaque de front les droits fondamentaux des citoyens garantis par la Constitution, y compris la liberté d'expression», a-t-il ajouté, appelant à une intervention de la Commission électorale pour garantir que les scrutins soient «libres et équitables».
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