Arrivées à un certain niveau de maturité, les infrastructures de télécommunications africaines ne cessent d’attirer les investisseurs étrangers, convaincus du potentiel de croissance du continent. Cet engouement, couplé à la nouvelle concurrence des entreprises satellitaires, pousse les opérateurs traditionnels à redéfinir leurs partenariats.
Face à la saturation des marchés, certains entreprises comme Safaricom ou Axian veulent se relancer par l’investissement dans de nouveaux pays.
500 CHAMPIONS AFRICAINS – Activité résiliente s’il en est, les télécoms ne sortent pourtant pas beaucoup grandies de la crise sanitaire. Sur les 50 grandes entreprises du secteur pour lesquelles nous avons des données comparables avec nos précédentes éditions, le chiffre d’affaires gagne timidement 1,2 % à 76,6 milliards de dollars. En rands, le géant MTN n’a pas fait mieux qu’une maigre croissance de 1,2 % de son chiffre d’affaires sur son exercice clos fin 2021. L’autre poids lourd basé en Afrique du sud, Vodacom, a vu ses revenus (hors Safaricom) progresser d’un petit 4,5 % à fin mars 2022.
Le bond de Sonatel, qui fait plus que doubler son chiffre d’affaires, s’explique par la prise en compte, désormais, dans notre classement de cette société comme entité consolidante des activités ouest africaines du groupe Orange. Toutefois, Sonatel ne s’en sort pas mal sur cet exercice, avec une croissance d’activité de plus de 10 % à périmètre constant.
Des activités portées par la data et le mobile money
En termes de croissance, la meilleure performance des grands opérateurs est à mettre au crédit d’Airtel Africa. Tirée par les activités data (+ 34,6 %) et mobile money (+ 34,6 %), la filiale du groupe indien Bharti voit son activité progresser de 21,3 % à fin mars 2022. Ses revenus au Nigeria font même un bond en nairas de près de 28 %.
Pour nombre d’opérateurs, le plafonnement, voire le recul de l’activité, est désormais effectif. Exprimé en devise marocaine, le chiffre d’affaires consolidé du groupe Maroc Telecom et de onze filiales africaines a ainsi chuté de 2,7 % en 2021, à près de 35,79 milliards de dirhams, une tendance qui s’est poursuivie en 2022 (– 0,5 %).
De son côté, le kényan Safaricom (détenu à 40 % par Vodafone et Vodacom) a vu son activité voix reculer de 4,6 % à fin mars 2021, avant de se stabiliser l’année suivante. L’opérateur a également dû faire face à une baisse des revenus de son service vedette M-Pesa (– 2,1 % en 2020/2021) du fait d’une décision temporaire de la Banque centrale du Kenya lui imposant au plus fort de la pandémie de ne plus facturer de commissions à ses clients. Cette activité s’est toutefois singulièrement redressée en 2021/2022, avec une croissance de 30,3 %. Heureusement, car M-Pesa représente désormais 31 % du chiffre d’affaires total de l’opérateur dirigé par Peter Ndegwa.
Les fintech jouent les trouble-fêtes
Pour Safaricom, comme pour ses compétiteurs sur le continent, le risque, systémique désormais, est de voir ces activités à valeur ajoutée grignotées par la montée en puissance des fintech comme Wave, Flutterwave ou OPay. Encore trop petits pour entrer dans nos classements, ces nouveaux acteurs produisent néanmoins un fort effet disruptif. Ceci grâce au soutien des investisseurs du capital risque qui ont porté par exemple la valorisation de Flutterwave au niveau record de 3 milliards de dollars en 2022.
Face à la stagnation de son activité, Safaricom a mené à bien une importante opération en réussissant à se développer sur le marché éthiopien. Après avoir remporté en mai 2021 la deuxième licence mobile du pays en association avec Vodafone, le fonds public britannique BII et avec l’appui de la SFI (Banque mondiale), Safaricom a inauguré son service le 6 octobre 2022 à Addis Abeba. Avec un coût initial avoisinant le demi-milliard de dollars.
D’autres se sont lancés dans une stratégie d’acquisition comme Axian. Le groupe malgache conduit par Hassanein Hiridjee a structuré son activité télécoms dans une entité ad-hoc immatriculée à Maurice. En avril 2021, Axian a annoncé le rachat de Tigo Tanzania au groupe Millicom. Finalisée un an plus tard, l’opération lui permet de doubler de taille grâce aux 350 millions de dollars de chiffre d’affaires et aux 14 millions de clients mobiles de l’opérateur tanzanien. La préfiguration d’une nouvelle consolidation dans le secteur ?
Comment Starlink d’Elon Musk transforme l’accès au web en Afrique
Starlink, le réseau Internet par satellite de SpaceX fondé par Elon Musk, intensifie ses efforts pour répondre à une demande croissante en Afrique, avec une attention particulière portée au Kenya. Lancé dans ce pays en début 2023, le service a rapidement gagné en popularité, notamment dans les zones rurales éloignées où l’accès à Internet était jusque-là limité. Toutefois, un engouement inattendu dans les grandes villes comme Nairobi a temporairement freiné les nouvelles inscriptions, révélant à la fois le potentiel et les défis de ce service en Afrique.
Avec plus de 8 000 utilisateurs kenyans en seulement quelques mois, Starlink est déjà devenu le dixième plus grand fournisseur d’accès à Internet du pays. Initialement destiné à des régions isolées et mal desservies par les réseaux Internet classiques, Starlink a aussi conquis les zones urbaines, où la qualité de connexion est souvent fluctuante. Nairobi, la capitale économique du Kenya, a vu un nombre croissant d’abonnés à Starlink, attirés par la promesse d’une connexion rapide et fiable. Cette demande urbaine imprévue a cependant engendré une surcharge du réseau, poussant l’entreprise à suspendre temporairement les nouvelles souscriptions pour garantir la qualité du service aux abonnés existants.
Conscient des défis financiers auxquels les utilisateurs africains peuvent être confrontés, Starlink a ajusté ses tarifs pour s’adapter au marché kenyan. Le prix du kit d’équipement, souvent considéré comme un frein à l’adoption, a été réduit de façon significative. En plus de cette réduction, une nouvelle option de location du kit a été introduite, permettant aux utilisateurs de bénéficier d’une connexion satellite sans l’investissement initial élevé. Ces mesures devraient rendre le service plus accessible et encourager davantage de ménages et d’entreprises à s’abonner.
L’arrivée de Starlink en Afrique pourrait transformer le paysage numérique et économique du continent. Dans des pays comme le Kenya, où des régions entières restent mal connectées, un accès Internet rapide et stable peut révolutionner l’éducation, la télémédecine, et offrir de nouvelles opportunités économiques. En particulier, les petites entreprises rurales pourraient bénéficier d’une connexion Internet fiable pour accéder aux marchés nationaux et internationaux. Les écoliers et étudiants, souvent pénalisés par un accès limité à des ressources éducatives en ligne, peuvent également profiter de cette expansion.
Malgré l’enthousiasme, Starlink fait face à plusieurs défis techniques. L’équilibrage du réseau entre les zones rurales et urbaines, où la demande est forte et croissante, reste complexe. De plus, l’infrastructure satellite elle-même doit être améliorée pour accueillir de nouveaux utilisateurs sans compromettre la qualité de service. SpaceX envisage d’augmenter le nombre de satellites en orbite pour accroître la capacité du réseau en Afrique et ailleurs.
Avec un accès internet de qualité encore inégalement réparti en Afrique, l’expansion de Starlink apparaît comme une réponse prometteuse, mais elle devra s’accompagner d’une planification rigoureuse pour répondre à la demande croissante et soutenir le développement du continent.
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