Le créole, encore relégué au rang de parent pauvre ? Une insulte à l’intelligence et à la culture française

C’est une décision qui fait bondir, un affront de plus dans la longue liste des humiliations faites aux langues d’outre-mer. Le ministère de l’Éducation nationale a tranché : il n'y aura pas d’agrégation pour le créole en 2026. Pendant que le corse, le breton et l’occitan auront droit à leur concours, le créole, lui, est rayé de la carte. Une langue pourtant parlée par des millions de Français, dans plusieurs territoires, se voit une fois encore niée, effacée, oubliée. Faut-il en rire ou en pleurer ?

Le Syndicat des personnels de l’éducation en Guadeloupe (SPEG) crie à l’« injustice », et le mot est faible. Car comment expliquer qu’une langue vivante, vibrante, enseignée, transmise, célébrée dans les écoles, soit soudainement écartée du plus haut concours de l’enseignement public ?
Jean Dernault, secrétaire général du SPEG, résume l’absurdité :

« En juin 2025, le programme de créole est publié, tout est prêt. Et puis, soudain, on nous annonce que l’agrégation n’ouvrira pas. Pire, on découvre que le corse, l’occitan et le breton, eux, sont maintenus. Sauf le créole. »
Un “oubli” ? Allons donc.

Une “faveur” pour les autres, un mépris pour le créole

Le syndicat dénonce une véritable « faveur » accordée aux autres langues régionales. Un favoritisme d’autant plus choquant que le nombre de locuteurs créolophones dépasse largement celui des autres langues de France. Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion : le créole résonne sur quatre territoires français, et pourtant, il reste le grand oublié de la République.

« Nous avons alerté tous les parlementaires ultramarins », poursuit Jean Dernault. « Ce silence gouvernemental est incompréhensible. »

“Une simple maladresse” ? Une insulte à la lucidité

Certains veulent encore croire à une maladresse, à une “pause technique”. Mais la ficelle est grosse.
Les enseignants qui se préparaient déjà à ce concours se sentent trahis. Des mois de travail, d’attente, de confiance… balayés d’un revers de main.

« La situation politique est compliquée », admet Dernault, « mais un ministre démissionnaire pourrait au moins réparer cette injustice. »

“Nous ne demandons pas de faveur, mais un droit”

Pour Alain Rutil, défenseur infatigable du créole, cette décision est purement et simplement révoltante :

« Nous ne sommes pas égaux face aux Français. Nous restons dans un système colonial. Nous ne demandons pas de faveur, mais un droit. Nous sommes français, nous devons avoir les mêmes droits. »
Des mots durs, mais justes. Car comment qualifier autrement cette hiérarchisation des langues, où certaines sont honorées et d’autres déclassées ?

Le ministère apaise… sans convaincre

Face à la colère, le ministère tente de calmer le jeu : cette non-ouverture serait “temporaire”, inscrite dans une “réorganisation globale”. Une pirouette bureaucratique pour masquer un désintérêt évident.
On parle d’“adapter les recrutements aux besoins du service public” et de “moyens budgétaires”. Mais l’on trouve les moyens pour le corse, le breton, l’occitan… et pas pour le créole ?
Hypocrisie ou mépris ? Les mots manquent.

Une vitalité que l’administration feint d’ignorer

Car sur le terrain, le créole n’a jamais été aussi vivant. Des classes bilingues fleurissent, des enseignants se forment, plus de 3 000 élèves suivent des cours en créole dans le secondaire.
Mais pendant que les académies s’activent, Paris ferme les yeux.
Les institutions locales bâtissent, le ministère détricote.
Le CAPES de créole reste ouvert ? Quelle générosité ! On gratifie le créole d’un os à ronger, tout en lui refusant sa place légitime parmi les agrégations.

Le créole n’a pas besoin de compassion. Il exige reconnaissance.
Cette langue, pilier identitaire et joyau culturel de millions de citoyens français, ne peut plus être traitée comme un dialecte folklorique bon à animer les festivals.
À force de l’ignorer, c’est la République elle-même qu’on appauvrit, en amputant sa diversité et en niant ceux qui, depuis des siècles, parlent, pensent et rêvent en créole.

Commentaires